Publier ses recherches dans une revue scientifique en libre-accès sur internet plutôt que chez un éditeur privé: de plus en plus de chercheurs plébiscitent cette formule qui bouleverse la diffusion de la connaissance.

Publier ses recherches dans une revue scientifique en libre-accès sur internet plutôt que chez un éditeur privé: de plus en plus de chercheurs plébiscitent cette formule qui bouleverse la diffusion de la connaissance.

Directeur de recherche du CNRS (organisme public français de recherche) au laboratoire océanographique de Villefranche-sur-mer (Sud-Est de la France), Jean-Pierre Gattuso est également l'un des deux responsables éditoriaux de la revue «Biogeosciences» lancée en 2004 par la société savante «European geosciences Union» (EGU), l'une des pionnières dans le secteur du libre-accès.

Ce mouvement lancé au début des années 2000 vise à mettre gratuitement en ligne les résultats de la recherche pour l'ensemble de la communauté scientifique. Une petite révolution dans le secteur universitaire où les parutions dans de prestigieuses mais coûteuses revues comme Nature ou Science passent pour le Graal du chercheur.

«Ce mouvement est né d'une volonté de reprendre le contrôle de

la diffusion de l'information scientifique, explique Jean-Pierre Gattuso. Il faut qu'elle soit accessible à tous. Et il est anormal que l'argent public soit utilisé à plusieurs reprises lors d'une publication traditionnelle: pour financer les recherches puis pour payer les chercheurs qui corrigent ces articles durant leurs heures de travail et enfin pour permettre à nos bibliothèques d'acheter, à un coût prohibitif, les publications résultant de nos recherches!»

Les abonnements aux revues scientifiques peuvent facilement atteindre 4000 à 5000 euros par an (de 6000 à 7600 dollars canadiens), «un coût qui empêche nos bibliothèques d'acheter certaines d'entre elles et qui les rend totalement inaccessibles aux chercheurs des pays en développement», assure M. Gattuso.

Le modèle économique de Biogeosciences repose sur une contribution financière demandée aux auteurs qui souhaitent publier un article: 20 à 22 euros par page, «soit beaucoup moins qu'une revue privée, avec une possibilité de subvention pour les scientifiques des pays en développement». Différence notable avec les éditeurs privés: l'auteur conserve le copyright de son papier.

Le processus de validation des articles décline également le principe du libre-accès : «en plus des spécialistes chargés de la relecture, nous offrons à la communauté scientifique la possibilité de discuter les papiers pendant deux mois avant validation définitive. Tous leurs rapports sont publiés et enrichissent la discussion», décrit Jean-Pierre Gattuso.

En 2006, une cinquantaine d'articles ont été publiés par Biogeosciences, consacré aux interactions entre biologie, chimie, physique et sciences de la planète. «On perd encore de l'argent mais nous pensons arriver bientôt à l'équilibre», explique le coéditeur de la revue qui a reçu 200 000 euros (300 000 dollars canadiens) d'aides d'EGU.

Le mouvement du libre-accès gagne du terrain en Europe comme aux Etats-Unis: le site Internet «Directory of Open Access Journals», de l'université suédoise de Lund, répertorie plus de 2500 revues en ligne, créées ces dernières années. Lancée en 2003, la «déclaration de Berlin sur le libre accès à la connaissance» compte 223 signataires: organismes de recherche, fondations ou universités.

«Les éditeurs privés restent majoritaires dans les publications et le prestige de leurs revues continue d'attirer les chercheurs mais le libre-accès va s'imposer», prédit Jean-Pierre Gattuso.