Internet apparaît de plus en plus comme une nouvelle terre d'aventure pour certains journalistes français en quête d'indépendance et de dialogue avec les citoyens: dépassant le stade des blogues, plusieurs tentent de monter de véritables projets d'entreprise.

Internet apparaît de plus en plus comme une nouvelle terre d'aventure pour certains journalistes français en quête d'indépendance et de dialogue avec les citoyens: dépassant le stade des blogues, plusieurs tentent de monter de véritables projets d'entreprise.

Trois «plumes» de Libération, qui ont choisi de quitter le quotidien en crise, viennent d'annoncer leur intention de lancer un site d'information générale qui ne «soit pas adossé à un média traditionnel et soumis à la culture dominante d'un groupe».

Pierre Haski, Pascal Riché et Laurent Mauriac, tous trois blogueurs, travaillent d'arrache-pied à ce projet qu'ils murissent depuis l'été. Ils viennent d'être rejoints par leurs collègues Nicole Pénicaut et Arnaud Aubron.

Le lancement fin janvier du site The Politico aux États-Unis «nous a donné un coup de booster en validant notre démarche», a expliqué à l'AFP Pierre Haski.

Une vingtaine de journalistes américains de renom viennent en effet de quitter leur rédaction pour rejoindre ce site web consacré à la politique.

Les journalistes de Libération prévoient un lancement en deux phases: dès la mi-mars, le site fonctionnera en rodage afin de «ne pas louper l'élection présidentielle», le projet abouti devant être au point en septembre, indique Pierre Haski, qui était directeur adjoint de la rédaction du quotidien.

«La France a soif de débats. Nous voulons devenir un endroit phare du débat politique, culturel, sociétal, nous voulons faire remonter l'information», poursuit ce spécialiste de l'international, qui tenait un blogue lorsqu'il était correspondant à Pékin.

«Le nouveau site devrait s'appeler Rue89.com en référence aux valeurs universelles de la Révolution française», révèle Pierre Haski. Il sera «animé par une quinzaine de journalistes professionnels qui apposeront un label de vérification et de qualité» au contenu, indique le journaliste. Ce nouveau media, qui veut «épouser le langage de l'Internet», s'appuyera sur des experts et les contributions des internautes.

De son côté John Paul Lepers, ancien de Canal+, vient de lancer la «latélélibre.fr, un site encore en rodage, installé dans un sous-sol à Boulogne-Billancourt et consacré à la politique. «Nous voulons montrer un travail libre, en dehors des formats imposés par la télévision», indique à l'AFP le journaliste.

«Il s'agit de tenter grâce à Internet, outil de diffusion peu coûteux, d'inventer un média indépendant où la liberté de la presse puisse pleinement s'exprimer», poursuit le producteur de documentaires politiques.

Reste à trouver un modèle économique pour ces nouveaux médias. Rue89.com entend jouer la gratuité pour l'internaute et trouver un financement par la publicité. «Nous allons démarrer sur nos fonds à nous mais dans quelques mois nous espérons avoir des investisseurs et des annonceurs», déclare Pierre Haski.

La télélibre.fr, qui fonctionne actuellement sur le bénévolat, hésite encore. «Faut-il faire payer un abonnement aux internautes ou laisser le site en libre accès en demandant une contribution?», s'interroge John Paul Lepers, qui ne veut pas de publicité «pour rester indépendant».

Thierry Crouzet, ingénieur spécialiste des nouvelles technologies, ne cache pas son scepticisme face à ces initiatives. »Les journalistes paniquent devant la crise de la presse et le développement du journalisme citoyen. Mais ils partent avec retard. C'est Agora Vox, le site contributif, qui a pignon sur rue», estime-t-il. Créé en mai 2005, par Carlo Revelli, le site revendique 9000 journalistes citoyens.