BitTorrent, ce fameux logiciel de partage créé en 2001 par le visionnaire Bram Cohen et diabolisé par Hollywood il y a à peine quelques mois, deviendrait donc le véhicule principal de distribution en ligne pour les blockbusters clairement obligés de faire le saut dans l'univers numérique.

BitTorrent, ce fameux logiciel de partage créé en 2001 par le visionnaire Bram Cohen et diabolisé par Hollywood il y a à peine quelques mois, deviendrait donc le véhicule principal de distribution en ligne pour les blockbusters clairement obligés de faire le saut dans l'univers numérique.

Depuis l'automne 2005, les grands studios californiens ont entrepris de récupérer Bram Cohen dont le logiciel révolutionnaire diminue l'espace occupé sur la bande passante en permettant le rapide téléchargement par fragments et la reconstitution subséquente d'un même fichier audiovisuel beaucoup plus lourd qu'un fichier de musique, d'où l'intérêt pour BitTorrent.

Bram Cohen et son associé Ashwin Navin se sont ainsi rangés du côté des plus puissants en adhérant de facto aux mesures techniques de protection. Fondée en 2004, l'entreprise BitTorrent a bénéficié l'an dernier d'un budget de développement de 8,75 millions de Doll Capital Management, ce qui l'a menée à négocier un partenariat avec Hollywood à la condition première que soient bannis du site officiel tous les hyperliens conduisant à quelque téléchargement illégal.

Or, BitTorrent était d'ores et déjà devenu le logiciel préféré des contrevenants en matière de partage illégal de fichiers vidéo; des milliers de sites et des dizaines de millions d'internautes usent désormais de cette technologie. Certains vont jusqu'à affirmer que le logiciel BitTorrent absorbe pas moins de 40 % de la circulation des contenus sur Internet, et que plus de 65 millions d'internautes en feraient usage.

On espère alors convertir au téléchargement légal une portion non négligeable d'internautes afin de rentabiliser les films d'Hollywood. Bonne chance, gentlemen !

Quoi qu'on en pense, l'entreprise BitTorrent a conclu des ententes de distribution avec Hollywood et se prépare ainsi à lancer une plate-forme de téléchargement avec les grands studios. En mai dernier, un premier accord était signé avec Warner Bros, d'autres partenaires se sont ajoutés à la liste depuis : Paramount Pictures (Viacom), 20th Century Fox (News Corp), Lionsgate, Palm Pictures, Kadokawa Pictures USA et MTV Networks, pour ne nommer ceux mentionnés ces derniers jours par la presse américaine (Associated Press, entre autres).

Dès le premier trimestre 2007, les répertoires de ces grands studios seront proposés à la carte sur une plate-forme de téléchargement en phase avec le protocole BitTorrent. Contenus vidéo, musiques ou jeux seront ainsi proposés à la carte ou sous forme d'abonnement mensuel. Bien que l'on n'en sache pas encore les tarifs, on imagine que la réduction des prix des films en ligne sera comparable à ce qui s'est produit dans l'industrie de la musique.

On ne sait pas non plus quelle sera la nature des mesures de protection que comportera chaque film. On sait, en tout cas, qu'un blockbuster coûte en moyenne 100 millions de dollars américains, c'est-à-dire près de 1000 fois plus qu'un CD de musique. Vous imaginez l'angoisse si Internet fout le bordel à Hollywood et met ainsi en péril un modèle culturel aussi dominant, un modèle qui occupe 85 % des parts du marché mondial?

Ashwin Navin, cofondateur et président de BitTorrent, demeure optimiste: «En augmentant la vitesse et la qualité des téléchargements des fichiers numérisés, BitTorrent a transformé radicalement la circulation des contenus sur Internet. Il demeurera le logiciel de prédilection pour des milliers de plateformes légales de téléchargement à venir», a-t-il déclaré cette semaine. Tiens, tiens Les qualités de partage exponentiel du logiciel ne sont plus soulignées par les gestionnaires de BitTorrent...

Pendant ce temps, Apple négocie avec les mêmes géants du cinéma pour arrimer les contenus à son service de téléchargement iTunes et ses outils de lecture (la gamme des iPods audiovisuels). Négociations forcément plus laborieuses pour le site BitTorrent, le lien d'affaires entre Apple et les studios Disney doit aussi poser problème; comme par hasard, Disney ne figure pas parmi les ententes officiellement conclues par le site de téléchargement.

Ainsi on se retrouve devant une situation comparable à celle des grandes sociétés de musique il y a cinq ans, alors qu'elles tentaient d'imposer leur propre plate-forme. Avec BitTorrent, les entreprises hollywoodiennes espèrent bien y arriver. Sauront-elles implanter leur modèle d'affaires en ligne, contrairement à ce qui s'est produit avec l'industrie de la musique?

Pas évident...