Cachés derrière les rideaux des petites cabines d'un café Internet, des jeunes juifs ultra-orthodoxes explorent le monde interdit de la Toile.

Cachés derrière les rideaux des petites cabines d'un café Internet, des jeunes juifs ultra-orthodoxes explorent le monde interdit de la Toile.

Ils sont de plus en plus nombreux à braver les interdits de leurs rabbins qui mettent régulièrement et solennellement en garde dans la presse religieuse contre «les terribles dangers des ordinateurs».

Coiffé d'un large feutre d'où dépassent ses papillotes, un jeune homme entre en catimini dans cet établissement vu comme un lieu de perdition. Il garde le silence, sachant que s'il était reconnu il pourrait être blâmé, voire rejeté par sa communauté.

Yitzhak, 20 ans, élève d'une «yéchiva» (institut d'études talmudiques), est pourtant un habitué du Strudel, un café Internet proche d'un quartier religieux de Jérusalem-Ouest.

«Je viens de temps en temps regarder les informations télévisées, voir des films en DVD, ou simplement savoir ce qui se passe dans le monde», confie-t-il.

Selon le patron des lieux, Michael Krumer, ses clients sont en majorité des jeunes ultra-orthodoxes utilisant l'Internet pour le courrier électronique, lire des informations et dialoguer sur le «chat».

«Beaucoup discutent de questions religieuses, et rares sont ceux qui visitent les sites pornographiques», affirme-t-il.

Il n'empêche que des manifestations ont été organisées contre son établissement et ses concurrents par une association ultra-orthodoxe de «protection de la pudeur».

Craignant d'être incendiés, certains ont fermé leurs portes.

«Leurs patrouilles font planer la menace en nous filmant, puis en collant nos photos sur des affiches», déclare Eli, coiffé de la kippa noire des juifs religieux et mordu d'Internet.

Les rabbins ultra-orthodoxes les plus rigoureux interdisent de surfer sur la Toile, où l'on risque de dériver sur des sites immoraux.

Cet oukase ne vise pas ceux qui utilisent l'Internet à des fins «strictement professionnelles». Mais, il leur est recommandé d'y avoir recours «le moins possible, et sous supervision des rabbins». En tout cas, «jamais à partir de leur domicile», pour ne pas montrer le mauvais exemple à leurs enfants.

Il est cependant possible de conjurer les risques en tous genres de la Toile en récitant une prière spéciale rédigée par un rabbin israélien de la ville de Safed (Galilée), un des centres du mysticisme juif.

Avant de se connecter au réseau, l'utilisateur pieux est convié à s'en remettre à Dieu pour le préserver contre les «attaques de virus» et les risques de rencontres avec des images ou des textes licencieux.

«L'Internet peut être utile, par exemple pour les médecins et les affaires, mais son utilisation est très risquée, car elle peut détourner nos enfants de l'étude de la Torah», souligne le rabbin Shmouel Haïm Papenheim, responsable d'un magazine ultra-orthodoxe.

Il fait ce constat alors qu'une exposition de matériel informatique, cette semaine à la Knesset (parlement), a justement fait l'éloge des bienfaits pédagogiques de l'Internet. Israël a un des taux d'équipements d'ordinateurs personnels les plus élevés au monde.

Les religieux ultra-orthodoxes les plus conservateurs continuent de s'accrocher à la stricte tradition et à proscrire la télévision elle-même, source, selon eux, de nombreux vices.

Mais, dans le même temps, lentement et sûrement, au risque d'être confronté à la culture laïque, le monde des «hommes en noir», jusqu'à présent refermé sur lui-même, est à son tour happé par les attraits technologiques de la modernité.

Signe des temps, plusieurs mouvements religieux ultra-orthodoxes, comme le Chabad messianiste, ont même leurs propres sites.