Pierre Karl Péladeau a annoncé hier que les productions musicales indépendantes distribuées par sa filiale Sélect seront bientôt mises en vente dans la fameuse boutique en ligne iTunes Music Store... où elles brillaient par leur absence.

Pierre Karl Péladeau a annoncé hier que les productions musicales indépendantes distribuées par sa filiale Sélect seront bientôt mises en vente dans la fameuse boutique en ligne iTunes Music Store... où elles brillaient par leur absence.

Le chef de direction de Quebecor Média a révélé cette initiative permettant de «commercialiser les différents producteurs indépendants» à l'occasion d'une causerie animée par la journaliste Ève-Marie Lortie, dans le cadre des Rencontres québécoises de l'industrie de la musique organisées par l'ADISQ.

«Je crois que c'est un pas majeur. On peut être pour ou contre Apple, mais on ne peut être contre le phénomène du iPod», a-t-il expliqué.

La filiale canadienne de iTunes, a-t-on aussi appris de source sûre, a conclu cet accord de distribution en ligne des répertoires québécois d'étiquettes indépendantes avec Sélect Digital du Groupe Archambault. Cette nouvelle structure serait devenue en quelque sorte un agrégateur de contenu musical en ligne, puisqu'elle négocie avec les labels de musique distribués par Sélect les modalités de distribution sur iTunes Music Store. D'autres services de musique en ligne pourraient éventuellement être contactés par Sélect Digital.

Hormis cette nouvelle, M. Péladeau a livré hier le volet musical de sa vision du développement de Quebecor Média dans le contexte de la révolution numérique. «Cette révolution, a-t-il soulevé, a amené un chambardement majeur des modes de distribution et ce dans toutes les activités culturelles.»

Chute

Les chiffres fournis hier par le grand patron de Quebecor Média ne mentent pas: entre 1999 et 2005, les ventes de CD et de cassettes ont chuté de 41 %. Cette année seulement, les ventes de musique en ligne ont enfin pu compenser pour les pertes encourues dans les magasins. En fait, la vente de musique sur Internet et sur les téléphones portables a triplé- 1,1 milliard US, cette année, comparativement à 156 millions l'année précédente. Aujourd'hui, la musique en ligne représente 6 % du marché, et l'on prévoit qu'elle représentera autour de 33 % en 2008. Au Canada, elle ne constitue que 1 % du marché, soit 10 millions de dollars. En 2008, la somme pourrait grimper à 300 millions.

«Un des phénomènes importants de cette révolution numérique, a souligné Pierre Karl Péladeau, c'est le choix: avec les journaux, la radio et la télévision, le choix était relativement limité. Maintenant Internet, la télévision numérique et tous ces nouveaux médias donnent la possibilité d'avoir accès à ce qu'on recherche lorsqu'on le désire.»

Dans ce contexte, la part du marché de la musique francophone, que M. Péladeau estime à 25 %, serait-elle menacée?

«Je pense que nous sommes en train de prendre du retard. Chez Quebecor, nous avons pris des initiatives très tôt- portail Canoë, boutique en ligne Archambault.ca, site de téléchargement légal zik.ca. On sent de la part de certains intervenants québécois des craintes qui ressemblent à celles que manifestaient antérieurement les multinationales. Mais si on ne prend pas les moyens nécessaires, on risque de manquer le bateau... Je ne suis pas futurologue mais, quand on constate que les 15-35 ans adoptent les nouvelles technologies, ce n'est pas déraisonnable de penser que le CD est en voie d'extinction.»

Réglementation

Le chef de la direction de Quebecor considère, par ailleurs, que les problèmes de réglementation dans Internet sont loin d'être solutionnés puisqu'il n'y a pas de consensus en vue. Selon lui, la question de la réglementation est délicate, car elle ne doit pas freiner la révolution numérique.

Cependant, Pierre Karl Péladeau voit d'un bon oeil le maintien des politiques culturelles: «Les institutions gouvernementales ont toujours été actives, particulièrement au Québec, afin de promouvoir et mettre en valeur nos industries culturelles. C'est certainement une bonne chose... Toute action qui tend à promouvoir les industries culturelles est la bienvenue.»

M. Péladeau a insisté sur la réorganisation du mode de rémunération des intervenants de la nouvelle chaîne de la culture numérique: «Il faut que les intervenants retrouvent leur place dans le nouveau puzzle. Il faut que tout le monde puisse vivre adéquatement en fonction des enjeux économiques... Et il ne faut pas oublier que l'on vit dans un environnement concurrentiel: peut-on opposer une chanson québécoise vendue en ligne 1,49 $ à une chanson à 89 cents sur les sites américains? Si on vend des produits hors de prix, on peut favoriser le piratage...»

Le piratage demeure selon lui un fléau très important, ce qui justifie les nombreuses prises de position de Quebecor Média dans cette optique. «Je pense d'ailleurs que l'ADISQ a des responsabilités en ce sens. Aux États-Unis ou en France, des associations équivalentes ont entrepris des recours judiciaires pour créer un environnement où l'on respecte le droit d'auteur. Si on tolère ce genre de pratique, c'est l'industrie de la musique en général qui en subira les conséquences.»