Le projet de Google de numériser des millions de livres pour les mettre en ligne suscite l'inquiétude des grandes bibliothèques nationales et des éditeurs européens, qui invoquent le respect du droit d'auteur et dénoncent les méthodes du moteur de recherche américain.

Le projet de Google de numériser des millions de livres pour les mettre en ligne suscite l'inquiétude des grandes bibliothèques nationales et des éditeurs européens, qui invoquent le respect du droit d'auteur et dénoncent les méthodes du moteur de recherche américain.

Sur le principe tout le monde est d'accord : la révolution numérique constitue une chance historique pour la conservation des oeuvres.

Mais les projets de «bibliothèques numériques» en phase d'élaboration opposent Google aux tenants d'une numérisation dans le respect des réglementations locales et des droits des auteurs et des éditeurs.

Pour Mats Carduner, directeur de Google pour l'Europe du sud, venu défendre le projet de son groupe vendredi au Salon du livre de Paris, «Google Livres a pour but de rendre accessible un maximum de livres à un maximum de personnes».

L'opération se fait, selon lui, «en partenariat» d'une part avec les éditeurs, d'autre part avec des bibliothèques, comme celles des universités d'Oxford ou du Michigan.

Si le livre est dans le domaine public, il est consultable intégralement. S'il est soumis au droit d'auteur, «de courtes citations» seulement apparaissent sur le net, «toujours en conformité absolue avec les réglementations locales», a assuré le responsable de Google.

Jean-Noël Jeanneney, le président de la Bibliothèque nationale de France (BNF), a le premier mis en garde contre le projet de Google de créer une sorte de bibliothèque universelle. «Comment donner même de courtes citations sans violer le droit de l'auteur s'il n'est pas d'accord ?», s'est-il interrogé.

Google numérise en effet les textes et laisse aux éditeurs le choix de demander leur retrait s'ils n'acceptent pas leur mise en ligne.

Selon Jean-Noël Jeanneney, «la rencontre entre le souci affiché de servir l'humanité et les intérêts de la maison (Google) met mal à l'aise».

Pour la Fédération des éditeurs européens (FEE), Anne Bergman-Tahon a dénoncé à son tour les projets de Google.

La plupart des grandes maisons d'édition françaises ont fait de même ces derniers mois. L'éditeur Gallimard, dont «258 titres» sous droits avaient été reproduits, a sommé début mars le groupe américain d'arrêter immédiatement la numérisation de ses ouvrages.

Le président de la BNF, qui défend le projet de Bibliothèque numérique européenne, s'est également inquiété de l'utilisation de la publicité par Google et de la conservation des fichiers numérisés.

«Nous existons depuis François Ier, vous existez depuis Clinton. Nous n'en tirons aucune vanité, mais tout de même (...) Est-ce qu'on peut faire confiance à une entreprise commerciale pour garantir la pérennité de ces richesses essentielles ?» s'est-il interrogé.

Ismael Serageldin, directeur de la bibliothèque d'Alexandrie (Egypte), a souligné pour sa part l'intérêt de la numérisation pour «les lecteurs dans les pays en voie de développement, qui représentent environ 80% de l'humanité».

«Dans la plupart de ces pays, il est impossible de constituer de grandes bibliothèques à cause du coût des livres», a-t-il souligné. La numérisation doit, selon lui, «permettre de se demander comment établir un partenariat, pas seulement entre public et privé, mais entre le Nord et le Sud, entre les riches et les pauvres».