Manque de salles de spectacles, radios commerciales inaccessibles... Les artisans de la musique indépendante doivent jouer d'ingéniosité pour faire connaître leurs créations. Si Internet semble devenu la planche de salut des formations émergentes, la présence d'un graphiste au sein du groupe s'avère aussi un atout de taille.

Manque de salles de spectacles, radios commerciales inaccessibles... Les artisans de la musique indépendante doivent jouer d'ingéniosité pour faire connaître leurs créations. Si Internet semble devenu la planche de salut des formations émergentes, la présence d'un graphiste au sein du groupe s'avère aussi un atout de taille.

Pour le directeur général du Salon de la musique indépendante de Québec (SMIQ), Richard Breuil, la connaissance de la technologie et des arts graphiques est devenue incontournable à quiconque souhaite faire sa place sur la scène musicale. «Dans ce milieu, on dirait que si tu veux réussir, il faut que tu sois backé par quelqu'un d'important. Les petits artistes qui envoient des démos peuvent rester longtemps dans la pile avant d'être remarqués. De plus en plus, les gens se rendent compte que, si l'image n'est pas là, la musique en souffre. Ceux qui croient en leur musique doivent miser sur l'esthétique.»

Les membres du groupe Rhinocéros ont compris l'importance d'attirer le regard pour promouvoir leurs sonorités pop rock instrumentales. Avec deux démos autoproduits en main, le quatuor de Limoilou n'a pas encore enregistré son premier album. Son site Internet (www.rhinoband.com) n'a pourtant rien à envier à certains groupes qui ont plusieurs galettes derrière la cravate. À grand renfort de t-shirts et de macarons à l'effigie de leur animal fétiche, ainsi que d'un fond et d'un économiseur d'écran téléchargeables dans leur site Web, les musiciens de Rhinocéros peaufinent leur apparence en même temps que leur son.

«Je ne sais pas l'impact que ça peut avoir», confie Frédéric Savard, bassiste du groupe et graphiste derrière le site Internet de Rhinocéros. «J'ai vu des professionnels qui n'en font pas tant que ça. Peut-être que c'est moins important pour eux. Pour moi, (avoir un site complet), c'est un minimum.»

En choisissant le nom de sa formation, Rhinocéros était conscient de la charge symbolique qui l'accompagnait. Les quatre gars, qui monteront sur les planches du Temps partiel le 18 février, se sont laissé séduire par le côté paradoxal de la bête. «On voulait quelque chose de percutant. C'est un gros animal à l'air menaçant, mais en même temps, c'est un herbivore. Le symbole est fort, il a été utilisé en arts et en politique. En tant que graphiste, c'était inspirant.»

Moins férue d'informatique, la chanteuse-accordéoniste Ryna Wolteger en est elle aussi à élaborer son site Internet pour donner un peu d'élan à son album de chants internationaux, Basher. «Les sous, ça nous limite. Ça nous force à devenir bien créatifs. Mais dans ce milieu, on fait du troc», explique-t-elle.

Celle qui se décrit comme la seule chanteuse en yiddish à Québec misait jusqu'ici sur l'aspect unique de ses créations et sur diverses performances dans des restaurants et sur de petites scènes pour alimenter sa carrière. «Mon disque, je le vends comme ça. Vous savez, je n'ai pas de gérant», lance l'auteure-compositrice-interprète qui se produira à l'Intendant vendredi le 12 mars.

Vitrine Web

En 2002, la formation Dilemme a vu le vidéoclip de sa chanson Par-dessus tout mis en nomination dans la catégorie Best French Video aux MuchMusic Video Awards. Au Québec, pourtant, le groupe originaire du Bas-Saint-Laurent n'avait pas réussi à faire diffuser son clip.

«Même à MusiquePlus, on nous dit qu'on ne répond pas au format, qu'on ne sait pas où nous placer. Je peux leur dire, moi, où nous placer. Il faudrait une émission consacrée à la relève !» laisse tomber Anne Marie Plamondon, coordonnatrice aux communications des productions Nouvelle France, l'étiquette de Dilemme.

«Un vidéo, c'est un investissement de 10 000 ou 15 000 $ au minimum, rappelle le directeur artistique des productions Nouvelle France, Chris Brown. Quand on n'est pas diffusé, c'est gaspillé !»

En attendant qu'une plus grande place soit faite à la relève dans les médias commerciaux, la compagnie de disques se tourne elle aussi vers le Web pour offrir un minimun de visibilité à ses poulains. «C'est une belle vitrine», indique Anne Marie Plamondon, qui avoue miser, entre autres, sur les publicités dans les forums de discussions. «C'est une façon de diffuser et de faire la promotion. ça attire les gens vers les shows.»

Et avec le site québécois blue tracks.ca, qui donne une réplique résolument indépendante aux disquaires virtuels comme iTunes ou Archambeault zik, la toile s'impose comme avenue de choix dans la diffusion des artistes émergents.