Astral Media a lancé radiolibre.ca. Une plate-forme Internet qui propose des découvertes musicales à ses auditeurs, en apprivoisant ses goûts musicaux. D'autres sites offrent déjà un service de radio sur mesure, dont pandora.com et lastfm.com. Que sont ces juke-box Internet personnalisés?

Astral Media a lancé radiolibre.ca. Une plate-forme Internet qui propose des découvertes musicales à ses auditeurs, en apprivoisant ses goûts musicaux. D'autres sites offrent déjà un service de radio sur mesure, dont pandora.com et lastfm.com. Que sont ces juke-box Internet personnalisés?

J'aime, j'aime pas. Un petit peu, beaucoup. Quand radiolibre.ca vous propose une chanson, vous dites si vous appréciez ou non, selon une échelle de 1 à 5. Vous avez déjà choisi un style musical. Rock alternatif, par exemple. Dans ce style, vous avez aussi établi des préférences: indie rock, électronique, new wave... Et le pourcentage désiré de contenu francophone.

Au fur et à mesure que vous attribuez des cotes, radiolibre.ca devine vos goûts musicaux. Il personnalise votre profil. Le but ultime? Vous faire entendre de la musique qui saura vous plaire, en favorisant la découverte de nouveaux artistes. Un juke-box personnalisé, en quelque sorte. Il y a un service gratuit, et un service réservé aux abonnés Le coût? 6,99 $ par mois, ou 59,99 $ par année. Et une période d'essai gratuite de 30 jours.

«C'est vous le DJ, vous contrôlez ce que vous écoutez par la rétroaction, a expliqué lors du lancement Benjamin Masse, président de la boîte Double V3, qui commercialise la technologie. Plus vous votez, plus la musique sera bonne.»

Les propositions de radiolibre.ca ne tombent pas dans le mille du premier coup. Lors de notre première visite, nous sommes allés de Green Day à Matchbox Twenty, en passant par les Monkees et Mudhoney. «Plus les gens votent, plus le système fonctionne bien», souligne Benjamin Masse. À l'image du site d'amazon.com, radiolibre.ca fonctionne par filtrage collaboratif. Le site compare nos préférences à celle des autres utilisateurs. Plus de gens aimeront à la fois The Killers et The Strokes, par exemple, plus le site proposera un des deux groupes, si vous avez aimé l'autre.

«C'est une forme d'intelligence artificielle, poursuit Benjamin Masse. Radiolibre.ca est comme un bébé. Au début, ses recommandations ne sont pas intelligentes. Plus les gens votent, plus le site fait des associations.» D'où l'importance de voter.

On peut également importer le profil musical d'un ami. Assurez-vous qu'il écoute de la bonne musique, car vous importez aussi ses préférences musicales. «Mais le site ne compare que ce qui est comparable.» Si vous importez un profil Avant-Garde ou Jazz, son contenu ne se retrouvera pas dans votre profil Reggae.

Il est aussi possible d'importer les profils des animateurs, appelés " experts ". Les découvertes francophones de Cynthia Bellemare, les suggestions world d'Yves Bernard, les coups de coeur électro de notre collaborateur Philippe Renaud et les meilleures trames sonores de films, selon notre critique de cinéma Marc-André Lussier. Et on peut télécharger leur émission, quand on veut. Avec ou sans leurs commentaires.

Pandora.com

Pandora.com est un autre site de recommandation musicale. Il n'y pas d'«experts» et le catalogue est essentiellement anglophone. Par contre, on peut «avancer» les chansons indésirables et c'est gratuit- à condition que les pubs ne nous dérangent pas. Et pour démarrer une recherche, on indique un artiste ou une chanson qu'on aime. Impossible de procéder ainsi sur radiolibre.ca. Une question de droits d'auteur.

Pandora fonctionne différemment. Les propositions musicales se font à partir de 400 attributs musicaux: accords en majeur, emphase sur les harmonies vocales, arrangements acoustiques, etc. Vous aimez Franz Ferdinand et les Yeah Yeah Yeahs, on vous propose Tommy Stinson, Bikini Kill et Fugazi. Indie, c'est le moins qu'on puisse dire. Comme la recommandation se fait selon les caractéristiques musicales des chansons, le site nous donne accès à un plus grand nombre d'artistes. Souvent inconnus, mais correspondant à nos goûts.

Tim Westergen est le fondateur de la plate-forme de pandora.com, nommée le Music Genome Project. Il a joué du rock pendant une dizaine d'années. Il composait également de la musique de films. Selon l'ambiance ou le sentiment " commandé " par le réalisateur, Tim utilisait différents pattern musicaux. D'où l'idée du Music Genome Project. Déterminer 400 attributs musicaux, et analyser chaque chanson selon ces attributs.

Aujourd'hui, 400 000 chansons peuvent être entendues sur pandora.com. Et l'équipe en analyse plus de 8000 par semaine. Le site intéresse des départements de musicologie. «Dans le futur, nous voulons améliorer la mobilité du service. En auto, par exemple. Nous désirons également offrir de la musique autre qu'anglophone», annonce Tim Westergen, joint à son bureau d'Oakville, en Californie. Pourtant, après notre conversation, un ami a rapporté avoir choisi le bluesman Duke Robillard. Première suggestion: Joe Finger Ledoux de Robert Charlebois! Énigme...

Lastfm.com est une autre radio Internet qui personnalise l'écoute de chaque utilisateur. Son fonctionnement s'apparente à celui de radiolibre.ca. Il met en relation les gens qui partagent les mêmes goûts. Le site s'annonce gratuit, mais il faut débourser trois dollars pour compléter une inscription.

L'avantage de radiolibre.ca? Le catalogue, les émissions à télécharger et les blogues made in Québec. Le site est un work-in-progress, insiste Benjamin Masse. Bientôt, les styles seront sous-divisés davantage. Le site pourrait aussi offrir l'option de sauter les chansons qu'on ne veut pas écouter jusqu'à la fin. «Nous allons tenir compte du feedback des utilisateurs.»

Pour les artistes boudés par les radios conventionnelles, l'arrivée de radiolibre.ca est une excellente nouvelle. «Ils veulent seulement se faire entendre, a déclaré la porte-parole Isabelle Blais, lors du lancement. Le public doit pouvoir avoir accès à tout l'éventail de ce qui se fait en musique (...) Radiolibre est une radio interactive. On pousse les gens à s'aventurer, à être curieux.»

FICHE TECHNIQUE DE RADIOLIBRE.CA

> Mise en ligne le 5 janvier, à 16h30

> Compatible avec les plateformes PC, Mac et Linux

> 400 000 chansons disponibles, dont 100 000 québécoises

> 25 employés et une dizaine d'animateurs appelés «experts»

> Le site se consulte en anglais comme en français

UN NOUVEAU MARCHÉ POUR ASTRAL

Astral détient les stations RockDétente et Énergie. Pourquoi se lancer dans la radio Internet personnalisée? Pour ne pas laisser passer une occasion.

«L'an dernier, la radio Internet a gagné 38 millions d'auditeurs aux États-Unis», indique Denis Rozon, vice-président et directeur général de radiolibre.ca. «Rien d'alarmant, mais c'est un phénomène important, ajoute Jacques Parisien, président d'Astral Radio. Aussi bien garder les auditeurs dans la famille Astral.»

La compagnie a regardé des sites comme pandora.com et lastfm.com. En février 2005, une rencontre a eu lieu avec Benjamin Masse, qui est président de la boîte Double V3, mais aussi musicien, administrateur à l'ADISQ et président de la SOPREF (Société pour la promotion de la relève musicale de l'espace francophone). Double V3 développait un engin de recommandation musical avec l'Université de Montréal et McGill, dans le cadre du projet CIRANO (Centre universitaire de recherche en analyse des organisations).

Résultat, des mois plus tard: radiolibre.ca. «Il y a deux spécificités, dit M. Rozon. La découverte musicale et la personnalisation de l'écoute (...) Il y a aussi un aspect communautaire. Les utilisateurs peuvent échanger.»

Avec sa nouvelle radio en ligne, Astral mise gros. L'investissement financier est important. Pour la distribution des droits, il a fallu négocier avec les majors (Universal, Warner), comme avec la SOPROQ, la SODRAC et la SOCAN. Radiolibre leur paiera des droits, redistribués aux artistes selon les rapports de diffusion fournis par Astral.

Pour l'instant, les publicités sont peu nombreuses sur le site. Mais Astral, Jacques Parisien ne le cache pas, misera là-dessus. Pour les annonceurs, le public est ciblé. La stratégie est différente. Les publicités des radios commerciales visent à rejoindre le plus de gens possible. Avec un site «sur-mesure», «on sollicite un moins grand nombre de gens, avec des choses qui répondent davantage à leurs besoins», explique André H. Caron, professeur au département de communication de l'Université de Montréal, qui s'intéresse à la diffusion et à l'impact des nouvelles technologies.

«Le principe du sur-mesure indique une tendance, signale-t-il. Les jeunes préfèrent payer du contenu sur mesure avant de consommer du contenu gratuit. La consommation ne se fait plus dans les lieux et dans les temps traditionnels. On prend en charge les contenus et on les réorganise selon notre horaire.»