Les citoyens pourront télécharger d'ici la fin du mois une application gratuite qui viendra sensiblement accroître la sécurité de leur téléphone intelligent.

Ils découvriront du même coup CyberEco, un nouveau joueur en cybersécurité créé par une rare collaboration entre des institutions financières concurrentes, la Banque Nationale et le Mouvement Desjardins, en partenariat avec Deloitte et le groupe RHEA, une firme d'ingénierie dont l'une des spécialités est la sécurité informatique.

«La numérisation de nos économies a créé beaucoup d'avantages pour les utilisateurs, beaucoup d'opportunités aussi, mais en même temps, a créé beaucoup de risques; beaucoup de personnes mal intentionnées ont utilisé ces opportunités pour justement nous attaquer ou attaquer nos systèmes», a fait valoir Marc Perron, associé directeur au Québec chez Deloitte, lors du lancement de CyberEco, mercredi à Montréal.

Le président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, Guy Cormier, a dit croire que cette poussée dans le domaine de la sécurité informatique était essentielle et incontournable.

«On veut que les clients aient confiance en nos organisations. On veut que les gens se sentent bien en faisant affaire avec nous et on veut travailler un peu sur leurs comportements, sur leurs habitudes d'utilisation des technologies pour parer à d'éventuelles fraudes et tous s'éduquer ou s'améliorer collectivement dans l'utilisation de ces technologies», a-t-il dit.

Former des cybercriminels?

L'événement a aussi permis d'annoncer la création d'une chaire de recherche en prévention de la cybercriminalité à l'Université de Montréal, financée là encore par les deux institutions financières.

Le recteur de l'Université de Montréal, Guy Breton, a noté que la création conjointe d'une chaire de recherche financée par deux établissements financiers concurrents, «c'est du jamais vu; j'y vois un signal très clair de l'urgence d'agir ensemble».

Le recteur Breton a vanté la formation spécialisée en cybersécurité de l'École de criminologie, tout en reconnaissant en entrevue par la suite que les experts bénéficiant d'une telle formation pouvaient se retrouver d'un côté de la clôture comme de l'autre.

«En l'intégrant dans une dynamique de sciences humaines, de sciences du comportement, les risques sont moins grands que si on ne faisait qu'une approche technologique», a-t-il argué.

«L'École de criminologie est en lien avec d'autres sciences humaines et, donc, les notions d'éthique, des notions d'équité font partie un peu de l'environnement dans lequel cette formation se fait. Donc, oui, il y a un risque, mais je crois que ça en vaut la chandelle», a fait valoir M. Breton.

Détecter la menace sur son «mobile»

CyberEco regroupera un collectif d'experts en cybersécurité dont la mission sera de développer des solutions de toutes sortes destinées tant au grand public qu'aux entreprises, qu'il s'agisse d'outils de sensibilisation, de logiciels de protection et de détection et d'algorithmes d'identification de comportements malveillants.

Avec l'application Protection, développée par CyberEco, que l'on promet pour la fin de septembre, l'utilisateur ajoutera une couche de sécurité dans un environnement grand ouvert à la malveillance.

«C'est une application numérique que vous allez pouvoir installer sur vos téléphones, qui va permettre aux utilisateurs de sécuriser encore mieux leurs mobiles, (...) qui va être capable de détecter sur vos mobiles soit des courriels, soit de l'hameçonnage, soit des textos qui peuvent paraître louches ou douteux», a expliqué Guy Cormier.

Explosion de la demande

Les institutions font valoir, d'une part, que la cybercriminalité est devenue une priorité. La multiplication des fraudes, des vols d'identité ou de données ou même les menaces à la sécurité nationale sont source de préoccupation sans cesse croissante avec la numérisation de l'économie et la présence de l'internet dans les activités humaines.

D'autre part, la demande de produits et services de cybersécurité explose à travers le monde et les besoins dépassent largement l'offre disponible.

Selon les responsables du projet, le marché pour ces produits et services pourrait atteindre les 170 milliards $ mondialement d'ici 2020 et Deloitte évalue le besoin de main-d'oeuvre dans cette spécialité, au Canada seulement, à 8000 personnes d'ici 2021, alors que l'Université de Montréal, par exemple, n'en forme que quelques dizaines par année. La pénurie de main-d'oeuvre, dans cette spécialité, est déjà criante.

CyberEco, un organisme sans but lucratif, prévoit donc également dans sa mission soutenir le développement de la main-d'oeuvre en collaboration avec le milieu universitaire, en plus de travailler sur les comportements humains avec des outils de sensibilisation grand public et corporatifs.