L'«écosystème» en intelligence artificielle de Montréal s'est fait un autre admirateur de poids : Facebook. Le premier réseau social au monde annoncera ce vendredi matin, en présence du premier ministre Justin Trudeau, avoir choisi la métropole pour y installer un laboratoire en intelligence artificielle, le quatrième du genre après New York, Paris et Menlo Park, dans la baie de San Francisco.

Il s'agit d'une troisième grosse prise dans ce domaine pour Montréal en un an, après l'ouverture d'un centre de recherche par Google et l'acquisition d'une startup montréalaise, Maluuba, par Microsoft.

«Il y a ici tout un écosystème en termes de recherche universitaire et industrielle, de startups, a expliqué plus tôt cette semaine en conférence téléphonique Yann LeCun, directeur du Facebook AI Research. Nous avons estimé que ce serait une bonne façon pour nous de démarrer, de recruter des talents qui sont présents ici.»

Est-ce que Montréal est plus prometteur à cet égard que Toronto ? «Je dirais que oui. Si vous ne regardez que la scène des startups, elle est plus grande à Toronto. Mais pour ce qui est des startups en intelligence artificielle, c'est Montréal. Montréal est mieux organisée, avec de plus grands labos, plus de facultés.» 

Facebook en tête

Le laboratoire de Facebook, qui a recruté cinq chercheurs qui ont officiellement pris possession de leurs bureaux lundi dernier, devrait compter une dizaine de personnes d'ici la fin du mois et, à terme, une trentaine de scientifiques. Il est dirigé par Joelle Pineau, de l'Université McGill, une sommité en intelligence artificielle qui codirige le Reasoning and Learning Lab de cette institution.

Lors de la conférence téléphonique, Mme Pineau a expliqué avoir été approchée par Facebook il y a quelques mois et avoir accepté l'offre du géant des réseaux sociaux pour pouvoir pousser plus loin ses recherches.

«Facebook est vraiment en tête de peloton en ce qui concerne les systèmes de dialogue et les agents conversationnels, et ce sont mes passions, a-t-elle expliqué. Il y a maintenant tellement de recherche en apprentissage machine dans l'industrie, c'était une opportunité intéressante pour moi découvrir des modes différents de recherche.»

La chercheure gardera cependant un pied dans le milieu universitaire en enseignement, qui occupera la moitié de son temps jusqu'à l'hiver prochain. Elle estime que l'ouverture de Facebook, dont les résultats de recherche sont systématiquement partagés, a pesé lourd dans sa décision. «Facebook a cette particularité d'être engagé envers la science ouverte. Ça veut dire que je peux parler de mes recherches librement avec mes collègues de McGill, je peux collaborer avec les deux côtés très librement.» 

«Saveur locale»

L'ouverture d'un nouveau laboratoire vient de pair avec des subventions Facebook estimées à 7 millions. L'Institut des algorithmes d'apprentissage de Montréal (MILA, dirigé par Yoshua Bengio) aura droit à une partie de cette somme pour rehausser son infrastructure informatique.

«Un des domaines où les laboratoires universitaires sont en retard par rapport à l'industrie, c'est au chapitre des infrastructures informatique, indique Mme Pineau. Il va y avoir un investissement significatif à ce niveau.»

Le laboratoire Facebook de Montréal, comme ses trois prédécesseurs, vise à développer de nouveaux algorithmes en intelligence artificielle qui seront utilisés par le réseau social. Il aura toutefois une «saveur locale», selon sa directrice, qui rappelle que sa propre expertise est essentiellement centrée sur une branche de l'IA, l'apprentissage par renforcement.

«La recherche fondamentale nous permet de développer les modèles de base à partir des données d'interaction, et Facebook a des tonnes de données d'interaction. Nous serons dans la mine, et nous allons pouvoir améliorer notre capacité à analyser les données d'interaction.  De ma perspective, l'apprentissage par renforcement est l'outil idéal pour explorer ces notions.»

Selon Yann LeCun, les recherches permettront notamment d'améliorer l'efficacité des assistants virtuels en comprenant mieux les mécanismes des dialogues en ligne.

«Il est admis que la façon la plus courante dont les gens vont interagir dans le monde numérique à l'avenir sera essentiellement la voix et l'interaction avec un assistant numérique intelligent, a-t-il expliqué lors de la conférence téléphonique de lundi.  Ça implique de pouvoir avoir une discussion avec ces systèmes qui ne soit pas source de frustration, comme ça l'est actuellement.»