Longtemps réservée aux «geeks», la réalité virtuelle trouve enfin des applications concrètes touchant le grand public, de l'agence de voyages à la collecte de fonds pour une bonne cause.

«C'est un marché naissant», reconnaît auprès de l'AFP Olivier Godest, organisateur de Virtuality, salon qui attend 10 000 personnes pour sa première édition, ce week-end à Paris.

«Nous avons assisté il y a quelques mois au lancement des premiers casques grand public», rappelle-t-il. «Cela ouvre de nouvelles perspectives d'usage à de nombreuses entreprises qui aujourd'hui découvrent la VR» - la réalité virtuelle, le plus souvent désignée sous son abréviation anglaise par les professionnels.

Finies les «caves», ces pièces spécialisées avec écrans et systèmes de projection qui étaient très coûteuses. Même s'il faut souvent deux casques (un pour voir et un pour entendre), et si l'expérience peut être assez inconfortable avec des lunettes, on peut maintenant s'immerger dans un autre univers partout, ou presque. Et pour un coût plus raisonnable.

Action contre la faim met ainsi régulièrement un casque sur la tête des passants, pour les projeter dans un dispensaire de Bangui. Et en appeler à leur bon coeur.

«Ça permet aux gens de visualiser nos missions, et ça répond à la question "Qu'est-ce que vous faites de notre argent?"», explique à l'AFP Matilde Touzalin, qui s'occupe de la collecte dans les rues pour l'ONG.

Le bilan est positif, juge-t-elle: «Il y a plus de gens qui viennent vers nous, et ils donnent plus longtemps.» Et la réalité virtuelle ne lui coûte pas plus cher qu'une vidéo classique, d'autant que le studio de production Triangulaire a travaillé gratuitement.

Utilisant le même genre de films courts qui immergent le spectateur à 360° dans un autre univers, Coca-Cola fait visiter une de ses usines.

«Notre objectif, c'est de communiquer sur le "Made in France"», indique à l'AFP Alexandre Poncet, directeur de la communication de Coca-Cola European Partners, l'embouteilleur du soda américain. Outre la classique promotion institutionnelle, il touche ainsi les consommateurs qui s'intéressent au contenu de la bouteille, et aussi de potentiels candidats au recrutement, pour leur montrer le côté technologique de l'entreprise.

Du tramway à la chirurgie

Côté prix, «on entre dans le domaine du raisonnable, et c'est ça qui est intéressant», juge-t-il. Une «expérience» VR coûte plusieurs dizaines de milliers de dollars, le prix moyen d'un casque tournant autour de 700 $. Quelque 6 millions de casques ont déjà été vendus dans le monde.

Et tandis que le voyagiste TUI équipe progressivement ses agences de casques de réalité virtuelle, le Club Med présente ses villages de vacances aux futurs estivants.

«L'idée, c'est de permettre au client de tester son voyage à l'avance, avant de sortir sa carte bleue», note Alexis Lethinois, chef de projet chez Digital Immersion, l'«agence immersive» qui a jusqu'à présent couvert une douzaine de clubs. «Les retours sont excellents, on est vraiment sur une première mise en bouche du voyage», insiste-t-il auprès de l'AFP.

Dans le même ordre d'idée de la préfiguration, la réalité virtuelle permet de se faire à l'avance une vision précise de ce que sera - ou pourrait être - un immeuble, un tramway, une cuisine ou même une bague.

«C'est beaucoup moins cher qu'une maquette physique, ça permet de réduire les coûts et les délais», relève Eric Tougard, qui dirige l'agence Arthur-Gauthier. A son actif par exemple, une présentation du futur tram de Sydney comme si vous y étiez, réalisée pour Alstom.

Autre domaine d'application, très présent sur le salon Virtuality: la formation, qu'il s'agisse de maintenance des trains, de la gestion d'une installation gazière ou d'un hôpital universitaire. Et là, il y a une vraie interaction dans l'immatériel.

«Quand on forme, on se trompe. Quand on se trompe dans le domaine de la santé, ça peut être très dangereux. Mais quand on se trompe dans le domaine de la réalité virtuelle, il n'y a aucun risque», sourit Enguerrand Habran, responsable de l'innovation à la Fédération hospitalière de France. Et de citer l'université Paris Descartes, qui forme 6000 personnels de santé avec des technologies immersives.