Pour le patron du groupe suédois Securitas, numéro un de la sécurité privée en Europe et en Amérique du Nord, l'avenir est aux caméras intelligentes et aux algorithmes prédictifs, et cette révolution technologique entraînera fatalement la disparition de milliers d'entreprises et d'emplois.

«Dans dix ans, cette industrie comptera moins d'employés qu'aujourd'hui». Dit comme ça, on pourrait penser qu'Alf Göransson a rendu les armes.

Au contraire, l'homme qui dirige Securitas depuis bientôt dix ans observe autant qu'il oriente le «changement radical» de son secteur, qu'on croirait inspiré du Minority Report du romancier Philip K. Dick et du cinéaste Steven Spielberg.

Reconnaissance faciale et détection des comportements suspects, «nous pouvons utiliser des caméras intelligentes pour détecter le crime avant qu'il se produise». Vous avez dit inquiétant ? «Si vous pouvez empêcher un meurtre, un viol ou un attentat simplement en vous servant de la technologie, à mon avis, c'est bien».

Qui oserait prétendre le contraire ? «La tendance en Europe et en Amérique du Nord est d'autoriser de plus en plus de caméras afin de réduire la criminalité».

Et ce n'est que le début. «La prochaine étape sera d'utiliser les données historiques, l'intelligence numérique, et avec un algorithme, vous pourrez prédire ce qui va se passer dans le futur». De la science-fiction ? «C'est testé en Californie».

Si l'ordinateur affirme qu'«il est plus probable que, dans cette rue, il y aura un cambriolage le vendredi entre 16 et 18 heures», alors la police va patrouiller d'une façon spécifique. En faisant ça, vous avez réduit la criminalité de 30%. Pour le même coût, avec les mêmes personnes, juste avec plus ''d'intelligence'' (analyse des données, NDLR)».

«Ça arrive extrêmement vite»

Avec un tel arsenal, c'en sera bientôt fini de cette «industrie basée sur la main-d'oeuvre, où des entreprises fournissent des gardes, et c'est tout». D'autant que «le coût des agents augmente en même temps que la technologie devient meilleure et moins chère». Le calcul est vite fait.

Bien sûr, «on aura toujours besoin de personnel», assure à l'AFP le patron visionnaire. «On ne pourra jamais le remplacer, mais on peut optimiser l'équilibre entre personnel et technologie». Avec, on l'aura compris, une préférence pour la seconde.

Les salariés du secteur - du moins ceux qui y resteront - auraient eux aussi à y gagner. «Le contenu du travail sera totalement différent parce qu'il sera beaucoup plus qualifié et mieux payé».

En attendant, l'heure est à la purge dans le secteur. «Beaucoup d'entreprises n'ont pas compris que tout ça arrive extrêmement vite. Celles qui ne conduiront pas ce changement ne survivront pas. La question est de savoir combien de temps elles survivront, mais sur le long terme elles feront faillite».

Les perdants se compteront par milliers. Rien qu'en Europe, «il y a 41 000 sociétés de sécurité privées enregistrées, dont 4000 en France et autant en Allemagne. Cette industrie va se consolider de façon spectaculaire durant la prochaine décennie et ça ne se fera pas par des acquisitions».

Le massacre qui s'annonce ne perturbe pas l'impassible PDG scandinave. «Nous avons beaucoup d'armes à notre disposition et nous les utilisons mieux que nos concurrents». Parole de Goliath.