Les groupes technologiques et le gouvernement américain ont entamé un bras de fer sur la protection des données stockées dans des téléphones réputés inviolables, Apple refusant de donner accès au contenu d'un portable d'un des auteurs de l'attaque de San Bernardino.

Le débat sur le cryptage des données est au point mort devant le Congrès mais mardi une juge américaine a exigé qu'Apple offre «une assistance technique raisonnable» à la police fédérale (FBI) pour l'aider à accéder au contenu crypté de l'iPhone d'un des auteurs radicalisés de la fusillade de San Bernardino, qui avait fait 14 morts début décembre en Californie.

Apple a dénoncé une requête «sans précédent», qui «menace la sécurité» de ses clients et «a des implications dépassant largement le cadre légal de cette affaire», selon son patron Tim Cook.

Les grands groupes technologiques comme Apple ou Google proposent en effet de plus en plus de produits et applications inviolables, dont seul l'utilisateur détient la clef, et ont rejeté jusqu'à présent les demandes d'accès aux données cryptées dans le cadre d'enquêtes judiciaires.

Ils affirment que cette sécurité améliorée est nécessaire pour que les consommateurs gardent confiance dans les appareils numériques. A l'inverse, les autorités regrettent que ces téléphones inviolables puissent aider criminels et djihadistes.

«C'est une manoeuvre intelligente de la part du FBI de se déplacer du terrain législatif, où ils ne gagnent pas, vers les tribunaux», note Joseph Hall, du Centre pour la démocratie et la technologie, un groupe qui défend les droits numériques. «Ils semblent demander à Apple de produire une version du logiciel iOS qui désactiverait la sécurité».

Cette décision de justice a provoqué des levées de boucliers de défenseurs des libertés individuelles, qui y voient une brèche permettant une surveillance sans limites aux États-Unis et ailleurs.

«Si le FBI peut forcer Apple à pirater les appareils de ses propres consommateurs, alors tous les régimes répressifs du monde pourraient également le faire», pointe Alex Abdo, de l'Association de défense des libertés civiles (ACLU). «C'est tout à l'honneur d'Apple de rester ferme sur sa volonté d'offrir des appareils inviolables à ses clients».

«Protéger un terroriste mort»

Tout le monde n'est pas de cet avis.

«Le ministère de la Justice ne demande pas à Apple modifier son produit ou de créer un moyen détourné d'accéder à l'un de leurs produits», a martelé Josh Earnest, porte-parole de la Maison Blanche. «Il demande simplement quelque chose qui aurait un impact sur cet appareil spécifique».

Barack Obama «croit au principe de la protection de la vie privée et des libertés des Américains», mais «la question débattue ici est différente», a-t-il estimé, assurant le FBI et le ministère de la Justice du «plein soutien de la Maison Blanche» dans ce dossier.

Le chef de la police de New York, Bill Bratton, est allé dans le même sens: «On ne peut pas donner à ceux qui cherchent à nous nuire les outils qui leur permettent de garder leurs activités secrètes. Je réitère mon appel au Congrès pour immédiatement adopter une loi offrant aux forces de l'ordre les outils dont elles ont besoin pour garder l'Amérique en sécurité».

«Apple a choisi de protéger un terroriste de l'État islamique mort plutôt que le peuple américain», a également tonné Tom Cotton, sénateur républicain de l'Arkansas. «De manière regrettable, la position de Tim Cook et d'Apple montre qu'ils ne sont pas prêts à transiger et qu'une loi sur le sujet est vraisemblablement la seule manière de résoudre ce problème».

La vraie question est de savoir si Apple a la capacité technique de fournir une assistance au FBI. En effet, le groupe à la pomme «n'a jamais été très clair sur les détails de son système», reprend Joseph Hall. «Apple n'a pas les clés, elles ne figurent que sur la puce de votre appareil».

«Mais ils ont des logiciels probablement capables de faire ce que réussit la clé de cryptage», dit encore M. Hall.

Personne ne sait si Apple est vraiment en mesure de contourner les clés de cryptage, relève Darren Hayes, professeur de criminologie informatique à la Pace University. Mais «le fait qu'ils contestent le jugement de cette manière me fait penser qu'ils en sont capables».