À bord de sa BMW de 1992, Jack Plater-Zyberk a déjà livré, chez des Washingtoniens, caviar, préservatifs, croquettes, packs de bière et même... une petite robe noire. Il est l'un des 5000 sous-traitants indépendants aux États-Unis de la société Postmates.

Ce service, disponible en ligne ou sur une application pour téléphone, permet de se faire livrer à domicile à peu près tout, à n'importe quelle heure, en moins de 60 minutes.

«Pour moi, c'est comme être un super-héros», indique Jack Plater-Zyberk, qui utilise Postmates pour compléter ses revenus d'avocat en intérim. «Quand vous livrez un shawarma tout chaud ou une pizza à trois heures du matin, les gens sont contents de vous voir!».

Plus de dix ans après l'effondrement spectaculaire des principaux acteurs du secteur, internet s'intéresse à nouveau à ce marché.

Aujourd'hui les choses sont différentes: la plupart des Américains possèdent une connexion à haut débit chez eux, et ne quittent jamais leur téléphone portable lorsqu'ils se déplacent.

Les nouvelles start-up essaient aussi d'éviter les erreurs ayant entraîné la chute des «.com» comme Webvan et Kozmo, qui avaient massivement investi dans des entrepôts et embauché beaucoup de personnel avant de faire faillite.

«La ville est notre entrepôt», explique Bastian Lehmann, cofondateur de Postmates.

Son entreprise, qui a levé 23 millions de dollars, a recours à des livreurs indépendants, heureux de pouvoir choisir leurs horaires de travail.

«Nous avons beaucoup d'étudiants ou de personnes avec un autre emploi à temps partiel. Nous avons des artistes, des musiciens», énumère-t-il.

Et ça marche: une autre start-up du même genre, Instacart, qui a elle levé 55 millions de dollars, s'attend à ce que ses recettes soient décuplées cette année. Elle est désormais active dans 15 villes à travers le pays avec 1000 sous-traitants indépendants.

«Nous avons dû très peu investir dans des infrastructures en plus de notre plateforme technologique», raconte son directeur général Heather Wake.

Des «acheteurs personnels»

Instacart a établi des partenariats avec de grosses chaînes de distribution alimentaire, comme Whole Foods et Costco, et vante les mérites de sa large sélection de produits ainsi que son service personnalisé.

«Nos 'acheteurs personnels' sont formés pour choisir les produits», poursuit Heather Wake. «On peut répondre à la demande du client, si par exemple quelqu'un veut des bananes un peu mûres, on peut lui procurer ça».

Les entreprises du «e-commerce» de courses et nourriture ainsi que le secteur de la livraison à domicile ont levé près de 486 millions de dollars au niveau mondial dans les 12 mois qui se sont achevés en juin. Une hausse de 51% par rapport à l'année précédente, selon la société CB Insights.

«Les gens sont beaucoup plus à l'aise avec la commande en ligne qu'il y a dix ou quinze ans, c'est important pour un domaine aussi personnel que la nourriture», relève Brita Rosenheim, à la tête de Rosenheim Advisors, qui traque les start-up du secteur.

La société de recherche BI Intelligence estime que les livraisons dans la journée à la demande généreront 100 millions de dollars dans 20 villes américaines cette année et que le marché grossira de deux milliards de dollars d'ici 2016 et quatre milliards d'ici 2018.

En parallèle, d'autres start-up comme GrubHub et Foodler se sont lancées dans la livraison à domicile pour le compte de restaurants.

«Les Américains dépensent environ neuf milliards de dollars par an dans des plats livrés à domicile de restaurants indépendants, donc c'est une énorme occasion», indique Abby Hunt, porte-parole de GrubHub, qui précise que sa société est en lien avec 30 000 restaurants aux États-Unis et à Londres.

Les grosses entreprises veulent elles aussi leur part du gâteau. Le service de voitures de transport avec chauffeur Uber a déjà lancé dans certaines villes des livraisons à domicile de repas et autres produits.

Les poids lourds Amazon et Google ont également commencé à offrir des services de livraison dans la journée de produits alimentaires avec «Amazon Fresh» et «Google Express».

Instacart et Postmates assurent toutefois qu'elles sont plus rapides et proposent des services davantage personnalisés ainsi qu'une sélection plus large de produits, frais notamment.

Jack Plater-Zyberk explique que lorsqu'une cliente a demandé une «petite robe noire», il a pris des photos de trois choix possibles et les lui a envoyées par courriel.