«Et voilà, avec ce casque vidéo sur la tête, vous êtes au milieu d'un groupe de starlettes japonaises!» Tout fiers d'eux, des développeurs nippons n'ont pas attendu qu'Oculus soit rachetée par Facebook pour s'y intéresser. Car la réalité virtuelle et l'informatique vestimentaire façon bague Ring ou bracelet Moff passionnent les Japonais.

À l'initiative du journal Asahi Shinbun, plusieurs sociétés de ces domaines émergents présentaient leurs inventions mardi et mercredi au coeur de Tokyo.

«C'est un hasard, mais l'actualité qui entoure Oculus VR grâce à la décision de Facebook d'acquérir cette société pour 2 milliards de dollars souligne la pertinence de faire travailler les médias traditionnels et nouveaux avec les acteurs de la réalité virtuelle et de l'informatique vestimentaire», a déclaré à l'AFP Daisuke Takehara, producteur de cet événement pour le centre de recherche Media Lab de l'Asahi Shimbun.

À titre expérimental, Asahi a tourné des images d'un groupe de jeunes chanteuses nippones affriolantes: en coiffant le casque, on se retrouve encerclé, sur 360 degrés, et interpellé à tout de rôle par l'une ou l'autre.

«Les journaux ne peuvent plus se contenter de publier une version papier, il faut aller plus loin, trouver de nouvelles façons d'informer le public, de le divertir aussi: mais si nous, sociétés de presse, ne développons pas nous-mêmes ces applications, nul ne nous les offrira», justifie M. Takehara.

«Avec l'informatique vestimentaire, les personnes auront de plus en plus l'information à portée de main en permanence et sous diverses formes sensorielles, et dans cette masse, la sélection sera nécessaire. Les journaux, qui sont des sources jugées fiables, ont un rôle à jouer dans cette aventure», précise-t-il.

«Cette année est considérée comme l'an zéro de l'informatique vestimentaire, c'est le bon moment», renchérit le directeur de l'Asahi Media Lab, Satoru Takada.

À part le casque Oculus qu'expérimente aussi la chaîne de télévision affiliée Asahi TV pour faire entrer virtuellement ses téléspectateurs dans le studio des émissions, le journal Asahi songe bien sûr à l'emploi de lunettes-écrans, comme les Google Glass.

«Prenez ce journal et regardez la une, une vidéo va apparaître sous vos yeux», explique un autre responsable de Media-Lab, avec en ligne de mire diverses applications, notamment pour délivrer des informations sous des formes étonnantes lors des jeux Olympiques de Tokyo en 2020 au cours desquels le Japon veut être une vitrine technologique.

Cette ambition est partagée tant par les géants Sony, Sharp, Panasonic ou NTT Docomo, que par de jeunes pousses qui fourmillent d'idées.

De l'art de la bonne gestuelle 

Parmi elles Logbar, firme qui s'apprête à commercialiser pour 150 euros une «bague télécommande» réagissant à des raccourcis gestuels simples, sans toucher son smartphone, sa TV ou son baladeur. On peut déclencher la musique en dessinant un P (pour «play») dans le vide avec son doigt, ajuster le volume par une rotation poing fermé, explique le créateur de cette société, Takuro Yoshida.

Moff, une autre petite firme a inventé un bracelet pour jouer à tout sans rien ou presque via la détection de mouvements associée à un programme sur smartphone.

L'enfant choisit sur le smartphone une des options, par exemple «tennis», et doit ensuite accomplir les gestes exacts pour être récompensé par le son et se croire alors sur un terrain. Même chose pour un riff de guitare, un combat de samouraï ou toute autre action sélectionnée.

«Pour le moment, ce n'est qu'un jouet que j'ai eu l'idée de créer afin que mon enfant ne reste pas passif devant un écran mais s'active physiquement», explique Akinori Takahagi, patron de Moff.

«Toutefois, il y a potentiellement beaucoup d'applications professionnelles possibles, notamment pour le contrôle de la bonne gestuelle dans un travail manuel», précise-t-il.

Nombre d'autres entreprises qui ont déjà une activité bien assise tablent sur l'informatique vestimentaire, telles Omron, avec des podomètres multifonctionnels, et Toray, avec des maillots de corps à capteurs pour surveiller sa condition physique.

Cette nouvelle voie, qui requiert non seulement des logiciels mais aussi des composants électroniques miniatures et de grande précision, constitue une chance pour l'industrie japonaise qui excelle en la matière, souligne Takeshi Natsuno, ex-dirigeant de NTT Docomo aujourd'hui professeur à l'Université Keio.