L'un des plus forts symboles de succès de l'industrie québécoise des technologies, Softimage, n'existera plus. L'entreprise américaine Autodesk, qui en est maintenant propriétaire, a annoncé que la prochaine version du logiciel Softimage, qui doit paraître le 14 avril, sera la dernière.

Il s'agira donc de la fin pour le nom Softimage, qui est entré dans l'imaginaire collectif québécois en 1994 quand le fondateur Daniel Langlois a vendu son entreprise à Microsoft pour environ 130 millions US. L'utilisation du logiciel dans la production du film Jurassic Park, puis dans nombre d'autres superproductions hollywoodiennes, avait aussi enorgueilli le Québec.

Microsoft n'a conservé l'entreprise que quatre ans, la refilant en 1998 à sa concurrente AVID, aujourd'hui confrontée à de graves difficultés financières. Autodesk s'était à son tour portée acquéreur du produit 3D de Softimage en 2008. AVID, qui avait conservé le logiciel 2D, l'a retiré du marché il y a deux ans.

Décision logique

La décision d'Autodesk s'explique facilement. Au gré des acquisitions, l'entreprise était maintenant propriétaire de trois logiciels concurrents: Maya, 3ds Max et Softimage. Ce dernier était de plus devenu le moins populaire des trois.

Le logiciel d'animation 3D Softimage était encore aujourd'hui utilisé dans plusieurs firmes de jeux vidéo et d'effets spéciaux pour le cinéma ou la télévision, notamment Hybride Technologies, une division d'Ubisoft installée à Piedmont, dans les Laurentides, et qui a collaboré à plusieurs superproductions américaines.

«C'est le logiciel d'animation avec lequel on travaille depuis 23 ans, explique Pierre Raymond, président et directeur des opérations chez Hybride. Nous sommes probablement l'une des entreprises que ça touche le plus, parce que nous n'étions pas que des utilisateurs. Nous avions aussi développé à l'interne plusieurs modules maison qui roulaient là-dessus.»

Cela dit, M. Raymond n'en fait pas un cas.

«Je vois sur le web que les gens ont une réaction très sentimentale. Je la comprends, mais je ne la partage pas. On ne peut pas accuser de malhonnêteté une entreprise qui devait maintenir trois logiciels haut de gamme d'animation 3D. Ça ne faisait que ralentir le développement de toutes les plateformes.»

Ancien premier vice-président responsable des activités média et divertissement chez Autodesk et responsable de l'achat de Softimage en 2008, Marc Petit est l'un de ceux que la disparition de Softimage touche. Il était aussi l'un des premiers employés de l'entreprise, en 1991.

«Softimage aurait eu 30 ans en 2016, souligne-t-il. C'est la fin d'une époque pour beaucoup de monde. La communauté Softimage est très soudée et très passionnée et ça fait beaucoup de bruit au sein de celle-ci.»

Lui aussi comprend la décision. «Le mal a été fait par AVID. Autodesk l'a maintenu pendant six ans, mais elle n'a jamais été capable de renverser la courbe des ventes.»

«C'est une décision difficile», a expliqué à La Presse Maurice Patel, le gestionnaire d'Autodesk qui a eu la délicate tâche d'annoncer la nouvelle aux utilisateurs. Installé à Montréal, il est lui-même un ancien employé de Softimage.

«Ça devenait de plus en plus difficile [de répondre à] tous les besoins, et il fallait concentrer nos efforts sur certains projets plus importants pour nos clients.»

Autodesk exploite un très important bureau à Montréal, responsable notamment du logiciel 3ds Max. Maya, lui, est développé à Toronto. Ensemble, les deux produits accaparent environ 80% du marché, selon M. Petit.

Une pétition a été lancée sur internet pour demander à Autodesk de «sauver» Softimage. Au moment d'écrire ces lignes, elle avait amassé un peu plus de 2200 signatures.

L'annonce n'entraînera aucune mise à pied.