Alors que l'action de Google prenait plus de 2% jeudi matin, celle de Lenovo subissait une forte baisse après l'annonce du rachat à Google des téléphones intelligents de Motorola pour 2,91 milliards de dollars, un échec pour le géant de l'internet qui l'avait acquis à prix d'or il y a deux ans, et un pari risqué pour le groupe chinois.

Lenovo reprend la marque Motorola et les produits déjà lancés ou en préparation, mais Google va conserver «la vaste majorité» du portefeuille de brevets de Motorola Mobility, et «continuer à les utiliser pour défendre l'écosystème d'Android», précise le géant d'internet dans un message sur son blogue officiel.

Android est le système d'exploitation mobile de Google. Utilisé par un large éventail de fabricants comme Motorola mais aussi le numéro un mondial des téléphones intelligents Samsung, le logiciel domine aujourd'hui largement le marché tant des téléphones intelligents que des tablettes.

L'immense portefeuille de brevets de Motorola avait été l'une des principales motivations de Google quand il avait mis 12,5 milliards de dollars sur la table pour racheter la société en 2012.

La revente des téléphones intelligents est tout de même un constat d'échec pour le groupe, qui a, depuis, taillé dans les activités et les effectifs de sa filiale, et en a revendu des morceaux à des tiers notamment les décodeurs payés 2,35 milliards de dollars par Arris il y a un an, sans parvenir jusqu'ici à la faire revenir aux bénéfices.

Le titre Lenovo a terminé en forte baisse de 8,2% jeudi à Hong Kong, à 10,06 dollars de Hong Kong (0,9 euro).

Google et Lenovo ont cependant affirmé que l'accord profiterait aux deux parties.

«Lenovo a l'expertise et les capacités pour faire de Motorola un acteur majeur de l'écosystème Android», a commenté le directeur général de Google, Larry Page, dans un communiqué.

De son côté, le PDG de Lenovo Yang Yuanqing a souligné que l'acquisition donnait à Lenovo «l'occasion de devenir immédiatement un acteur solide au niveau mondial dans le secteur en forte croissance des téléphones intelligents».

«Google a eu ce qu'il voulait», mais a payé cher

Motorola avait été l'un des pionniers de la téléphonie mobile, pour laquelle il avait déposé les premiers brevets dans les années 1970. Mais il a raté le tournant des téléphones intelligents.

L'entreprise avait joué son va-tout l'an dernier avec la sortie du Moto X, un téléphone intelligent personnalisable et «made in USA». Motorola en avait baissé le prix récemment, un signe, selon les experts, que les ventes n'étaient pas à la hauteur de ses attentes.

Larry Page a fait le même constat. «Le marché des téléphones intelligents est super concurrentiel et pour réussir, il vaut mieux s'y mettre à fond», a-t-il reconnu. «C'est pourquoi je pense que Lenovo, qui a une activité de téléphones intelligents en forte croissance et qui est le numéro un mondial des PC, s'occupera mieux de Motorola».

Pour l'analyste Jack Gold, de J Gold Associates, «Google a eu ce qu'il voulait et ce dont il avait besoin chez Motorola. Il a eu les brevets, les talents et la connaissance du marché et des appareils mobiles».

«Ils n'ont pas besoin d'être présents dans le secteur des appareils», a-t-il ajouté. «C'est bon pour Google et c'est bon pour Lenovo, à mon avis».

L'analyste a aussi souligné que la transaction pourrait résoudre certains conflits d'intérêts potentiels pour Google, dont le système d'exploitation mobile Android est utilisé par toute une série de fabricants concurrents de Motorola, et domine très largement aujourd'hui le marché des tablettes et des téléphones intelligents.

Mais pour Ramon Llamas, analyste au cabinet spécialisé IDC, la transaction laisse un trou de quelque 7 milliards de dollars dans les comptes de Google. «Est-ce que les brevets valent 7 milliards? Je ne le sais pas, mais c'est une question importante», a-t-il indiqué à l'AFP.

Lenovo est le premier fabricant mondial de PC, une activité qu'il avait rachetée il y a huit ans au géant informatique américain IBM. Il a aussi annoncé récemment son intention de lui racheter ses serveurs d'entrée de gamme, et s'est diversifié ces dernières années dans les téléphones intelligents et les tablettes.