Une «Silicon Valley» chinoise dans les forêts du Bélarus? Le projet, très sérieux, est présenté par les autorités de l'ex-république soviétique comme la solution aux crises financières à répétition qui frappent son économie très encadrée.

Le président bélarusse Alexandre Loukachenko, qui dirige le pays d'une main de fer depuis près de 20 ans, a lancé en 2012 la conception d'un vaste parc industriel spécialisé dans les technologies de pointe (électronique, biotechnologie...) et mené par des investisseurs chinois.

Le projet adopté début 2013 en conseil des ministres prévoit sa construction en banlieue de Minsk sur une zone d'environ 9000 hectares, une superficie presque aussi grande que celle de Paris.

Le gouvernement, qui doit détenir une part de 40% dans le projet, table sur des investissements de six milliards de dollars sur 15 ans. Deux établissements financiers publics chinois, la Banque de développement et la banque d'import-export Eximbank, sont prêtes à apporter ensemble trois milliards de dollars.

25 villages rasés

Les autorités bélarusses ont déroulé le tapis rouge aux entreprises chinoises. L'emplacement choisi se trouve à proximité immédiate de l'aéroport international de Minsk et est desservi par la principale autoroute du pays, qui relie la capitale bélarusse vers l'est à Moscou et vers l'ouest à Varsovie.

Quelque 25 villages vont être rasés sans compensation pour les propriétaires des «datchas», qui ont réuni des centaines de signatures dans une pétition l'été dernier. Deux réserves naturelles vont disparaître sous le chantier, ainsi qu'un réservoir d'eau couvrant la consommation d'une partie de Minsk.

Une zone franche a été créée avec un régime fiscal très attractif, la structure administrant le parc se voyant exonérée de toute taxe sur les bénéfices et l'immobilier jusqu'en 2032 et ses résidents pendant dix ans.

Parmi les entreprises annoncées figurent les équipementiers télécoms chinois ZTE et taïwanais Pegatron, le fabricant électronique basé à Hong Kong TPV mais aussi des sociétés basées en Russie ou dans les pays baltes.

L'enjeu est de taille pour le Bélarus, isolé de l'Occident qui dénonce le caractère autoritaire du régime, et régulièrement confronté à des crises financières. Les réserves de devises du pays s'assèchent faute d'investissements étrangers et en raison de taux d'inflation spectaculaires qui poussent la population à conserver leurs économies en monnaies étrangères.

Le Fonds monétaire international, qui avait accordé un crédit de 3,5 milliards de dollars en 2009 à Minsk, a dénoncé à l'automne une situation financière «intenable» et refuse toute nouvelle aide faute de réformes.

De son côté, la Russie a annoncé fin 2013 un soutien pouvant atteindre deux milliards de dollars mais les relations entre les deux voisins, unis dans une zone de libre-échange, n'ont pas toujours été au beau fixe ces dernières années.

Pendant ce temps, Pékin a massivement investi dans l'ex-république soviétique, lui accordant des milliards de dollars de prêts pour ses infrastructures et implantant au passage ses entreprises.

«Les produits de demain»?

Alexandre Loukachenko a estimé mi-2013 que le parc industriel en préparation rapporterait à l'État «jusqu'à 50 milliards de dollars par an en exportations».

«Cela renforcera notre stabilité financière, qui est le principal problème de notre pays actuellement», a-t-il souligné dans un entretien à l'agence chinoise Xinhua, dont le texte a été diffusé par ses services.

Le président a souligné que la zone devait accueillir des entreprises produisant «les produits high-tech de demain».

Ces déclarations sont accueillies avec scepticisme par les analystes. Même si l'Union européenne est à proximité immédiate, le débouché logique serait la Russie et les autres membres de la zone de libre-échange menée par Moscou avec d'autres républiques soviétiques, avec un succès incertain.

Avant même sa construction, la nouvelle zone industrielle est au centre de toutes les rumeurs au Bélarus. Des médias ont évoqué l'arrivée prochaine de 600 000 ouvriers chinois, un nombre considérable pour ce pays de dix millions d'habitants.

Les autorités ont démenti le chiffre, et affirmé que la zone devait accueillir au maximum 155 000 personnes, y compris les Bélarusses et seulement 25 000 dans la première étape de son développement.