Jusqu'alors réservés aux dirigeants politiques, les téléphones ultrasécurisés et cryptés se démocratisent pour viser PDG, avocats d'affaires, banquiers et journalistes échaudés par les révélations d'Edward Snowden et les risques d'espionnage économique.

Il y a deux semaines, le groupe informatique français Bull dévoilait «Hoox», son téléphone intelligent «hautement sécurisé» accessible aux professionnels et aux entreprises au prix de 2000 euros (environ 2800 $), disponible dès janvier, et qui permet de chiffrer les communications.

Jeudi, le consortium portant le projet d'antivirus français Davfi a annoncé la sortie début 2014, pour le marché professionnel, de terminaux du commerce fonctionnant sous système d'exploitation Android, mais qu'il aura équipés de sa solution sécurisée cryptant la voix, les SMS, le système et les données.

Les téléphones seront vendus «pour quelques centaines d'euros supplémentaires» par rapport à leur prix habituel.

Ce marché jusqu'à présent ultra-confidentiel permet d'équiper en France le chef de l'État, certains ministres ainsi que des hauts fonctionnaires, qui utilisent le téléphone mobile chiffrant Teorem, construit par Thalès exclusivement pour l'État et qui permet de passer des communications sécurisées jusqu'au niveau «secret défense».

Alors, qui sont les clients non-gouvernementaux susceptibles de recourir  à des téléphones hautement sécurisés? «Des responsables d'entreprises -et pas forcément du CAC40- des avocats, des banquiers, et aussi quelques journalistes», indique à l'AFP Robert Avril, fondateur de la société pionnière Cryptofrance, qui a lancé dès 2008 ses premiers téléphones cryptés.

Guerre économique

«Depuis juillet, août, on n'a jamais été autant sollicités, avec des pics de visites extrêmement importants sur notre site. C'est lié à la reprise économique, mais aussi et surtout aux affaires Prism et NSA», indique-t-il, en allusion aux révélations cet été de l'ex-consultant de l'Agence américaine de renseignement, Edward Snowden, sur l'ampleur d'un programme d'espionnage tous azimuts des États-Unis.

«On est dans un contexte de guerre économique, et ce marché a un vrai potentiel. Beaucoup d'entreprises qui travaillent notamment dans le secteur de l'innovation préfèrent prévenir que guérir et veulent se protéger, par exemple lorsqu'elles négocient un appel d'offres, souligne Robert Avril.

La sécurité est en train de devenir un argument de vente et une fonction de base que les acteurs mettent en avant, résume Gérôme Billois, du cabinet de conseil Solucom, citant Apple ou encore Samsung (avec sa solution Knox) qui ajoutent au fil du temps des fonctions de sécurité dans leurs produits.

«Le marché est même déjà un peu encombré! Mais la gradation des offres est intéressante: les entreprises veulent pouvoir choisir la solution la plus adaptée par rapport au risque dont elles veulent se protéger, on n'est plus dans des solutions de type "noir et blanc, rien ou du secret d'État"», souligne M. Billois.

Mais comment va s'organiser ce nouveau marché? «J'espère qu'il y aura de la place pour tout le monde! Bull avec son "Hoox" est un concurrent complémentaire, on s'adresse au même marché, mais à un prix différent. Toute cette mouvance est extrêmement positive», juge Jérôme Notin, chef de file du projet d'antivirus français Davfi.