Le gouvernement fédéral resserre ses tarifs sur des produits importés comme des téléviseurs et des baladeurs numériques, qui profitent d'une exemption spéciale lorsqu'ils sont utilisés avec des ordinateurs.

Les importateurs doivent verser 16 millions $, uniquement pour 2011, en raison de modifications des normes douanières, selon une note d'information de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), divulguée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et dont La Presse Canadienne a obtenu copie.

Cette note remontant à mars 2012, qui comprend une annotation manuscrite réclamant que «le ministre demeure informé», stipule que cette modification «provoquera sans doute une réévaluation de plusieurs tarifs douaniers, et ne sera pas bien reçue par les importateurs».

L'agence a tranché et décidé que les importateurs utilisant l'exemption informatique doivent obtenir des certificats de la part des usagers - les consommateurs, dans la plupart des cas - qui certifient que les produits seront utilisés avec un ordinateur. Pas de certificat, pas d'exemption, prévient l'ASFC.

Selon le document, il faut s'attendre à ce que la certification requise ne soit pas disponible, puisque la majorité des utilisateurs des produits sont des consommateurs et qu'il en revient à l'importateur de leur faire signer le certificat, habituellement au moment de la vente au détail.

La Loi sur les douanes mentionne que de tels certificats de vérification devraient être signés par le client, et indiquer «le nom de l'utilisateur, son adresse et son emploi, en plus de mentionner l'usage des biens commerciaux».

L'exemption a également été interprétée pour ne s'appliquer qu'aux appareils «à usage constant» avec des ordinateurs, ce qui signifie que les iPods et autres baladeurs numériques risquent peu de se qualifier pour l'exemption.

La modification douanière date d'avant le budget 2013 déposé le mois dernier par le gouvernement Harper, qui a suscité d'intenses débats, à savoir si les nouveaux tarifs imposent effectivement une «taxe sur les iPods», particulièrement délicate sur le plan politique.

Le cabinet du ministre des Finances, Jim Flaherty, a souligné cette semaine l'existence de l'exemption informatique comme une preuve que les tarifs sur les iPods n'augmentent pas.

«Les appareils musicaux comme les iPods sont importés au Canada sans frais de douane en vertu d'une classification tarifaire remontant à 1987», a déclaré jeudi par courriel la porte-parole de M. Flaherty, Kathleen Perchaluk.

«Cette classification tarifaire spéciale n'a en aucun cas été modifiée par les récents changements apportés au Tarif de préférence général, mis en place pour aider les pays émergents.

Mais encore le 7 décembre dernier, l'ASFC informait un importateur par lettre que les appareils iPod de type Touch dotés d'une mémoire de 8 GB devaient faire l'objet d'une vérification auprès de l'utilisateur afin d'obtenir l'exemption tarifaire, selon des lettres obtenues par La Presse Canadienne.

«Les certificats ou preuves d'usage doivent être obtenus et être disponibles pour être inspectés par un agent» de l'ASFC, mentionne la lettre en caractères gras.

La note d'information de mars 2012 indiquait pour sa part que l'agence envisageait d'étendre les demandes de vérification à d'autres articles «tels que les CD, les DVD et les haut-parleurs d'ordinateur».

Rien de cela n'a été publicisé à l'époque, mais la note souligne que «le programme travaille actuellement de concert avec la Direction des communications pour préparer du contenu à l'intention des médias».

Trois ministères, contactés vendredi pour réagir à la note, n'étaient pas immédiatement disponibles pour répondre.

Les réglementations tarifaires complexes du Canada sont devenues un champ de mines politique depuis que le gouvernement Harper a annoncé dans son budget du mois dernier qu'il réduisait les tarifs de certains articles populaires, tout en haussant discrètement les frais pour des milliers d'autres produits de consommation.

Certains économistes ont suggéré que ces changements feraient grimper les tarifs des lecteurs MP3, y compris les iPods.

«Ce qui ressort de tout cela, c'est que les règles sont si vagues et si libres d'interprétation que vous pourriez probablement interroger 10 personnes différentes à l'ASFC et je crois que vous obtiendriez 10 réponses différentes», a déclaré en entrevue l'économiste Mike Moffatt, professeur adjoint à l'école de gestion Richard Ivey, en Ontario.

Le débat a poussé les néo-démocrates fédéraux à accuser les conservateurs d'hypocrisie, depuis que les conservateurs ont eux-mêmes monté une campagne, en 2010, pour accuser les néo-démocrates de vouloir imposer une «taxe sur les iPods».

«Alors que nous sommes dans une reprise économique fragile, la dernière chose dont ont besoin les familles canadiennes et les consommateurs est une nouvelle taxe sur les iPods», avaient indiqué trois influents ministres conservateurs dans une déclaration conjointe, le 14 décembre 2010.