L'eau du bain devient écran de projection où l'on plonge les mains pour manipuler des objets virtuels, l'image translucide d'un papillon apparaît sur une bulle de savon: les jeunes Japonais étonnent par leur créativité et leur ingéniosité au Salon Laval Virtual.

Rares sont ceux qui tentent un «bonjour» en français, certains ont même du mal avec l'anglais, mais c'est toujours avec bonne humeur qu'ils invitent le visiteur à tester leurs inventions.

En vedette cette semaine à Laval( Mayenne), des écrans révolutionnaires, qui échappent aux supports traditionnels. «On se rapproche progressivement de Minority Report», le film de Steven Spielberg, commente Laurent Chrétien, directeur des Rencontres internationales de la réalité virtuelle.

Yasushi Matoba, de l'Université d'électro-communication (Tokyo), un des concepteurs d'«Aqua Top Display», a les mains plongées dans une baignoire d'eau opacifiée par du sel de bain. Délicatement, ses doigts forment une «boule d'énergie» virtuelle matérialisée par une lumière orangée qu'il lance sur des espèces de petites méduses bleues non moins virtuelles. Yasushi Matoba joue et son écran n'est autre que la surface de l'eau.

Avec le même système, qui repose sur une caméra de détection des mouvements Kinect, on peut aussi, du bout des doigts, déplacer des images, les agrandir ou les réduire, comme on le ferait sur un écran tactile... ou les noyer pour les supprimer.

Les Japonais adorent les bains, explique Tomoya Suzuki, «et les tablettes numériques ne sont pas résistantes à l'eau»...

Le visiteur qui se prête au jeu constate une étrange interaction entre le virtuel, l'image projetée, et la sensation de l'élément liquide. Comme une immersion physique dans le monde virtuel.

«L'application est quasiment directement commercialisable», estime Laurent Chrétien.

Une boîte à coucou

Avec «Colloidal Display», Yoichi Ochiai (Université de Tokyo) présente lui aussi un nouveau type d'écran: l'image délicate d'un papillon bleu se projette sur une pellicule de savon. L'apparente simplicité du système dissimule «une technologie de pointe», explique le jeune Japonais: des ultrasons font vibrer la pellicule de savon et la micro-transformation ainsi produite renvoie la lumière comme une lentille.

Moins poétique, mais tout aussi efficace, l'application «Food Practice Shooter» s'adresse aux enfants et se veut pédagogique. Comment leur faire aimer les légumes? Avec un jeu vidéo, bien sûr, répondent les chercheurs du Kosaka Laboratory.

Un casque en forme de tomate sur la tête, les enfants sont invités à faire exploser carottes, poivrons verts ou tomates qui s'agitent sur l'écran. Mais, pour avoir des munitions, ils doivent d'abord manger ces mêmes légumes. Pour de vrai. À Laval, les légumes ont été remplacés par des biscuits à leur saveur. Mais le principe reste le même: plus on mâche, plus on obtient de munitions. Un grand sourire -obligatoire- et on peut tirer.

Le concept, «très simple à commercialiser», selon Laurent Chrétien, a déjà séduit l'entreprise de restauration collective Sodexo.

L'inventivité japonaise se poursuit même au lit. En pyjama et pantoufles, les jeunes chercheurs de l'Institut Kanagawa de technologie invitent au câlin, avec deux grosses peluches -un chien et une espèce indéterminée. Chauds au contact, les «Zzzoo Pillows» se laissent prendre dans les bras et respirent en rythme avec le dormeur, favorisant le sommeil, selon leurs inventeurs. Seul problème, ils ronflent... en tout cas le compresseur qui leur permet de respirer.

Quant à l'application «Perch on my arm» (Université Keio), une boîte dissimulée derrière un rideau de velours rouge, elle réserve un drôle de tour de magie. On place le bras dedans et on a l'impression qu'un oiseau vient s'y percher. On tape sur la boîte, et on sent l'oiseau battre des ailes puis resserrer sa prise. Étrange.

«C'est juste étonnant», commente Laurent Chrétien.