Trente-cinq mille dossiers, entassés dans des rangées et des rangées de bibliothèques. Six secrétaires affectées à temps plein à trier, classer et replacer tous ces documents. Une perte de temps et d'espace considérable.

Au Groupe de médecine familiale de l'Assomption, il y a eu un «avant» et un «après» 2006. Cette année-là, la clinique a été l'une des premières au Québec à abandonner le traditionnel dossier de patient en papier - une véritable révolution dans les façons de faire de sa vingtaine de professionnels.

«Ça a permis de sauver beaucoup de temps: plus besoin de traîner de grosses boîtes avec 200 dossiers pour travailler chez nous la fin de semaine, explique le médecin responsable du groupe, Philippe de Meyer. Maintenant, tout est sur la tablette tactile.»

Depuis ce virage techno, les professionnels de la clinique peuvent consulter tous leurs dossiers sur des tablettes Lenovo ou leur ordinateur personnel. Ils peuvent commander des analyses - et recevoir les résultats - par l'entremise d'un système sécurisé. «Les prescriptions aussi sont informatisées: elles sont maintenant lisibles!» dit le Dr De Meyer.

La clinique de l'Assomption utilise l'application KinLogix, développée au Québec et acquise par Telus l'automne dernier. Ce logiciel constitue la pièce maîtresse de la filiale santé du groupe vancouvérois, qui connaît un essor considérable depuis quelques trimestres.

L'informatisation du système de santé semble être entrée dans une nouvelle phase dans plusieurs provinces canadiennes. Le Québec, qui avait accumulé un retard considérable et plusieurs expériences infructueuses dans ce domaine, a par exemple annoncé en novembre 2012 l'entrée en vigueur d'un nouveau programme d'adoption du dossier médial électronique (DME).

Le projet est doté d'une enveloppe de 60 millions de dollars et vise à «brancher» 5200 médecins et 1000 infirmières québécois d'ici quatre ans.

Telus Santé multiplie les acquisitions et les investissements pour profiter de ce créneau en pleine expansion. «On se situe au bas de la courbe de croissance qui va augmenter de façon exponentielle», avance Paul Lepage, président du groupe, en entrevue à La Presse Affaires.

Telus Santé, dont le siège social est à Longueuil, enregistre déjà des revenus d'environ 500 millions et emploie 1500 personnes. Le groupe dit détenir environ 36% du marché des DME au Québec, et ses autres technologies sont présentes dans des centaines de cliniques médicales, pharmacies et hôpitaux partout au pays.

Le renouvellement en ligne des ordonnances, en particulier, connaît une augmentation de popularité rapide au Québec, fait valoir Paul Lepage. «Ça a pris deux ans pour se rendre à un million de renouvellements en ligne, et là, en trois mois, on vient d'assister à une hausse de 30%. C'est un système où on commence à voir une belle inflexion.»

Le suivi de patients à distance est aussi appelé à prendre une importance accrue ces prochaines années, avec le vieillissement massif de la population. Les terminaux électroniques de Telus, installés au domicile des patients, permettent aux malades chroniques d'être suivis en temps réels par leur équipe médicale. Les gains d'efficacité sont majeurs pour le système de santé, soutient M. Lepage.

«Les infirmières à domicile peuvent suivre une centaine de patients par semaine plutôt qu'une vingtaine», illustre-t-il.

Concurrence féroce

La concurrence s'annonce féroce dans le secteur de la santé au cours des prochaines années, au fur et à mesure que le mouvement d'informatisation prendra de l'ampleur. Des milliards en contrats sont en jeu.

Paul Lepage reconnaît qu'une partie du travail de Telus Santé «est de faire la promotion de nos services auprès des diverses instances gouvernementales» en vue de décrocher des mandats. Le groupe doit notamment se battre contre CGI et IBM pour l'obtention de certains contrats.

Telus Santé compte poursuivre sa croissance de manière organique et grâce à des acquisitions au cours des prochains trimestres, ajoute le dirigeant.

Le siège social de Telus a affiché la semaine dernière des profits en hausse de 23% pour le quatrième trimestre de 2012. Les revenus totaux se sont établis à 2,85 milliards, un gain de 6% sur un an. Le titre de Telus a clôturé à 69,49$ vendredi à la Bourse de Toronto, en hausse d'un cent. L'action a progressé de 6,7% depuis le début de l'année.