«Troisième révolution industrielle» pour The Economist ou merveilleux jouet hightech pour les adeptes du fait-maison: l'impression 3D se popularise, repousse les limites de la créativité et ouvre de nouveaux marchés.

Le principe -fabriquer un objet en empilant les couches de matière, le plus souvent sous forme de poudre, à partir d'un modèle numérique en 3D- n'est pas neuf.

Les premiers brevets sur la «fabrication additive», le terme générique qui englobe l'impression 3D, remontent à 1984.

La technologie est ainsi largement utilisée depuis plus d'un demi-siècle dans l'industrie, en particulier pour la fabrication de prototypes (prototypage rapide).

La nouveauté de ces dernières années est l'arrivée de machines capables de produire de vrais objets, mais aussi la diffusion de la technologie, avec des imprimantes 3D «personnelles».

«Un jour ces machines étonnantes pourraient être capables de fabriquer à peu près tout, partout, de votre garage à un village africain», écrivait l'hebdomadaire britannique The Economist il y a quelques mois, n'hésitant pas à parler de «troisième révolution industrielle».

Signe qui ne trompe pas, le président américain Barack Obama a inauguré l'été dernier l'Institut national de l'innovation pour la fabrication additive (NAMII).

Le taux de croissance annuel du secteur a atteint près de 30% en 2011, selon le cabinet américain Wohlers Associates. Selon ces analystes, une croissance à deux chiffres devrait se poursuivre encore plusieurs années.

En parallèle à l'envolée du marché pour l'industrie, apparaissent des machines à bas coûts, qu'on rêve déjà de voir installées à la maison, surtout si l'on se rappelle comment, en quelques décennies, l'ordinateur a conquis les foyers, les sacs et maintenant les poches.

Dans le commerce, on trouve des imprimantes 3D à partir de 400 euros... Un bon bricoleur pourrait commencer à se faire plaisir entre 1500 et 3000 euros, a affirmé à l'AFP le président de l'Association française de prototypage rapide (AFPR), Georges Taillandier.

Un formidable jouet

Peut-on imaginer dès lors fabriquer soi-même, en quelques clics, le pion perdu d'un jeu de société, une poignée cassée ou la pièce introuvable qui donnera une nouvelle vie à la vieille cafetière familiale?

Des professionnels du secteur sont pour le moins sceptiques. «La plupart des adultes n'utiliseront jamais une imprimante 3D», estime le consultant Terry Wohlers sur son blogue.

D'abord, il ne faut pas oublier que le temps de mise en couche de la matière peut être important et que pour le moment les machines dites «personnelles» ne peuvent guère fabriquer que des petits objets s'apparentant davantage à des gadgets qu'à des objets fonctionnels.

Ensuite, se pose le problème de la conception: le «bricoleur du dimanche» doit être créatif, maîtriser le dessin en 3D et s'assurer que sa pièce aura les bonnes caractéristiques mécaniques, rappelle M. Taillandier.

«C'est un formidable jouet pour quelqu'un qui est un peu technologique. Par contre, ce n'est pas avec ça que vous allez fabriquer des objets du quotidien», résume pour l'AFP Clément Moreau, cofondateur de Sculpteo, qui fabrique en 3D pour les industriels comme les particuliers.

Fondée en 2009, cette jeune société française qui réalise 30% de son chiffre d'affaires aux États-Unis, s'est engouffrée dans le créneau: elle propose aux particuliers la fabrication d'objets préparés par des designers professionnels, mais «personnalisables».

Elle travaille aussi, avec des marques d'électroménager, à la mise en place de «bibliothèques de service après vente»: le particulier pourra y choisir la pièce cassée de sa cafetière, et la faire imprimer en 3D sur des machines professionnelles.

Les imprimantes à bas coûts ont en revanche «leur place dans les collèges et les lycées, parce qu'elles sont très didactiques», souligne M. Taillandier.

Des bijoux aux prothèses, la fabrication additive n'en finit pas de conquérir de nouveaux domaines d'application, parfois des plus surprenants: une équipe de l'Université Cornell, en collaboration avec l'Institut culinaire français s'est ainsi lancée dans l'impression d'aliments (chocolat, fromage, dinde...)

Pour M. Taillandier, «le vrai marché, c'est le médical». Une mâchoire artificielle en titane a par exemple été modélisée, «imprimée» et implantée chez une patiente néerlandaise. L'avenir est aussi à l'«impression» de tissus humains: peau, os, cartilages... voire des organes.

Inévitablement, des utilisations plus contestables ont vu le jour. Un étudiant texan a ainsi lancé un projet communautaire d'arme à feu imprimée en 3D.