Les géants japonais de l'électronique restent dans une situation difficile à mi-chemin de l'exercice 2012-2013, à cause des pertes liées à la fabrication de télévisions qui souffre du yen fort et de la concurrence sud-coréenne.

Dans des registres différents, Panasonic, Sharp et Sony ont publié mercredi et jeudi des résultats semestriels inquiétants, après un exercice d'avril 2011 à mars 2012 marqué pour chacun par des pertes nettes historiques.

Panasonic a stupéfié le marché mercredi en prévenant qu'il pourrait enregistrer un déficit net de 765 milliards de yens (7,6 milliards d'euros), alors qu'il évoquait jusque-là un bénéfice net de 50 milliards.

Même si une bonne part de cette somme colossale est due à des dépenses de restructurations, des dépréciations et l'effacement de crédits d'impôts, son action a chuté de près de 20% à la Bourse de Tokyo jeudi.

Sharp a presque doublé pour sa part sa prévision de déficit net, à 450 milliards de yens (4,5 milliards d'euros) à cause d'«une baisse dramatique des prix des produits» qu'il fabrique et «d'une chute plus importante que prévu de ses ventes de téléviseurs à écrans cristaux liquides (LCD) au Japon et en Chine».

Les ventes de télévisions à écrans plats de Sony ont aussi dévissé , de près d'un tiers, entre juillet et septembre sur un an.

Cette activité, déficitaire depuis huit ans chez Sony, est au coeur de la sévère restructuration menée par le nouveau PDG du groupe, Kazuo Hirai, pour tenter de faire renouer le groupe avec les bénéfices.

«Au Japon, les téléviseurs à écran plat se sont trop vendus dans une période récente, lorsque le gouvernement a versé des subventions pour les appareils peu consommateurs de courant et quand la diffusion par signal hertzien a pris fin, incitant les consommateurs à s'équiper en TV numériques», explique Masahiko Hashimoto, économiste à l'Institut de recherche Daiwa.«Ce pic passé, les ventes ont ralenti».

Jadis dominateur à l'étranger sur ce marché central de l'électronique grand public, les fabricants nippons y éprouvent désormais les pires difficultés face aux concurrents asiatiques, notamment sud-coréens et taïwanais.

«Pour les exportations, le yen fort constitue un lourd handicap, particulièrement vis-à-vis des fabricants sud-coréens, comme Samsung et LG, qui bénéficient d'un won plus faible», souligne M. Hashimoto.

Considéré comme une valeur refuge par temps économique difficile, la monnaie japonaise est fortement montée d'abord pendant la crise financière de 2008, puis encore plus avec les problèmes d'endettement européen.

Cela signifie que les groupes nippons voient leurs recettes réalisées à l'étranger entamées, lorsqu'ils les convertissent en yens.

Et que par voie de conséquence, les produits Made in Japan sont beaucoup moins compétitifs.

Cette évolution est particulièrement dramatique pour Sharp, qui avait lancé la construction d'une rutilante usine d'écrans LCD à Sakai (ouest du Japon) juste avant la crise financière... et qui doit maintenant composer avec un facteur «devises» bouleversé et une demande mondiale moins dynamique.

«Les fabricants japonais d'électronique vont devoir complètement revoir leur modèle économique, garder ce qui est bon et laisser le reste. Ils doivent proposer des produits novateurs nécessitant les hautes technologies dont ils disposent», prévient M. Hashimoto.

Mastodontes produisant une immense gamme de produits, Sony et Panasonic ont ciblé quelques domaines prioritaires - téléphones mobiles, jeux vidéos et appareils médicaux chez Sony, batteries lithium-ion et cellules photovoltaïques chez Panasonic.

Ils réduisent la voilure dans les activités jugées non centrales, mais au prix d'années moroses, et ont raté le premier train du boom des appareils nomades (téléphones intelligents et tablettes informatiques) qui ont porté des firmes comme Samsung et Apple au firmament.