Question de prouver ses bonnes intentions dans l'acquisition d'Astral, Bell propose de lancer un concurrent canadien à Netflix ainsi qu'une chaîne dinformation en français pour faire concurrence à RDI et à LCN. À condition que Bell obtienne l'autorisation du CRTC et du Bureau de la concurrence pour acheter Astral.

En plus de sortir ces deux «lapins de son chapeau» - dixit le nouveau président du CRTC Jean-Pierre Blais, visiblement agacé par l'aspect tardif de ces annonces -, Bell a profité de la première journée des audiences du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pour faire valoir les bienfaits de la transaction Bell-Astral.

«Le consommateur va bénéficier de cette transaction. Il va y avoir plus de concurrence au Québec, les consommateurs auront un nouveau service sur demande et nous aurons un meilleur pouvoir d'achat pour acheter des émissions», dit George Cope, président et chef de la direction de Bell.

Le grand patron de Bell s'est défendu d'avoir trop attendu pour faire ces annonces, expliquant plutôt les avoir devancées pour donner l'heure juste au CRTC après la «campagne de propagande intéressée» de ses concurrents Québecor et Cogeco, qui ont «diabolisé la transaction à un niveau absurde».

Basée à Montréal, la nouvelle chaîne spécialisée de nouvelles en français de Bell sera financée en partie par les bénéfices tangibles (une sorte de «taxe de bienvenue» pour les licences télé et radio) payés par Bell en vertu de la transaction de 3,38 milliards de dollars.

Bell a accepté lundi de faire passer les bénéfices tangibles de 200 à 241 millions sur sept ans, dont 20 millions serviront à financer la nouvelle chaîne de nouvelles francophones, qui visera une clientèle jeune s'informant actuellement sur le web. Sans l'achat d'Astral, Bell ne mènera pas ce projet à terme.

«Ça ne ferait pas de sens sans la question des avantages tangibles», dit Kevin Crull, président de Bell Média.

Une «première ligne de défense» selon Ian Greenberg

Même si plusieurs groupes de consommateurs s'opposent à la transaction, Bell croit que l'achat d'Astral réduira le coût d'acquisition des émissions de télé.

«D'avoir des acteurs solides, c'est notre première ligne de défense contre les distributeurs étrangers (comme Netflix)», dit Ian Greenberg, PDG d'Astral, qui siègera au CA de Bell si la transaction est conclue.

Si la vente d'Astral a été tout avant une «décision familiale», Ian Greenberg, 70 ans, a admis que l'avenir s'annonce plus difficile pour des entreprises indépendantes comme Astral qui ne font pas de distribution. «Je vois les vents arriver», a-t-il dit.

Pour rassurer le CRTC, Bell insiste qu'il continuera d'offrir les chaînes d'Astral à tous les distributeurs, comme l'obligent les règles du CRTC sur la convergence.

«Ce serait absurde d'investir des milliards de dollars en contenu et de le garder pour nous, dit George Cope. Pour que cet investissement ait du sens, il faut que notre contenu soit disponible à tous les distributeurs.»

La perte d'une entreprise indépendante des grands conglomérats préoccupe néanmoins le nouveau président du CRTC, Jean-Pierre Blais, nommé en juin. «Quand nous perdons un acteur indépendant, je ne suis pas sûr que nous pouvons en gagner un autre», dit-il.

Le CRTC doit aussi évaluer les conséquences du mariage de Bell et Astral, qui contrôleraient 39,7% des parts de marché des chaînes canadiennes en télé anglophone (42,2% avec les chaînes conjointes) et 26,6% en télé française (34,7% avec les chaînes communes).

Selon sa politique élaborée en 2008, le CRTC s'inquiète généralement d'une concentration entre 35% à 45% parts de marché et refuse généralement qu'une entreprise contrôle plus de 45%.

Bell estime que le CRTC devrait calculer ses parts de marché par rapport à l'écoute totale (incluant les chaînes américaines), ce qui réduit les parts de marché de Bell-Astral à 33,5% en anglais et 24% en français. Voilà pourquoi George Cope n'était pas très enthousiaste quand le président du CRTC a évoqué la possibilité d'approuver la transaction en partie, à condition que Bell-Astral vende certaines chaînes (Bell se départit déjà de 10 chaînes locales de radio au Canada anglais pour respecter les règles du CRTC).

«Nous considérons que nous ne devons pas vendre des chaînes en vertu des règles actuelles. Nous serions surpris et déçus de devoir le faire», dit George Cope.