L'éditeur français de jeux vidéo Ubisoft et son studio montréalais font l'objet d'une poursuite pour violation de droit d'auteur de la part de l'auteur américain John Beiswenger, qui soutient que le jeu Assassin's Creed, développé à Montréal, s'inspirerait très largement d'un de ses romans initialement publié en janvier 2003.

Son roman, intitulé Link, suit l'histoire d'un personnage qui revit certaines périodes historiques des derniers siècles à travers le souvenir de ses ancêtres ayant vécu durant ces périodes.

Or, Assassin's Creed, dont la première édition est parue en 2007, utilise le même genre de stratagème dans sa trame narrative afin de faire voyager les héros de sa série dans le temps et l'espace.

Selon l'auteur américain, cet aspect du jeu, appelé «Animus», serait directement inspiré de son roman.

Beiswenger soutient par ailleurs que le ton spirituel et biblique du jeu d'Ubisoft, de même que le rôle d'assassin du personnage principal, font également partie de la trame de son oeuvre.

L'auteur demande donc une indemnisation pouvant atteindre 5,25 millions de dollars, et souhaite obtenir une injonction l'assurant qu'aucune autre infraction au droit d'auteur n'ait lieu à l'avenir.

Contacté à ce sujet, un porte-parole d'Ubisoft a indiqué que l'éditeur refusait d'émettre quelque commentaire que ce soit. En revanche, les chances que le plaignant obtienne gain de cause demeurent plutôt minces, indique Me Stéphane Moraille, avocate spécialisée sur le droit d'auteur dans l'industrie du divertissement.

«La preuve est très difficile à faire. Au Canada, la loi fait en sorte que même si deux oeuvres sont très similaires, elles peuvent être toutes deux protégées par le droit d'auteur sans qu'une puisse avoir été plagiée sur l'autre. Ce sera évidemment au juge de trancher ce qu'il en est dans ce cas-ci.»

Le jeu vidéo doit «se protéger de son propre succès»

Dans l'industrie du jeu vidéo, plusieurs observateurs ont critiqué l'arrivée tardive de cette poursuite de la part de l'auteur américain.

Elle tombe à point, en quelque sorte, alors qu'Ubisoft débute la promotion d'une nouvelle édition du jeu, Assassin's Creed III.

Sa mise en vente est prévue pour l'automne prochain, mais son succès commercial ne semble faire aucun doute, selon les nombreux médias spécialisés qui ont déjà commencé à l'encenser.

«Ubisoft semble surtout être victime de son propre succès», croit Me Moraille, qui recommande aux grands éditeurs de jeu vidéo de s'inspirer de l'industrie du cinéma, qui protège la plupart de ses nouveaux films de telles poursuites en contractant une assurance «erreurs et omissions».

Cette assurance garantit que l'oeuvre est originale et protège son créateur d'une éventuelle ressemblance avec une oeuvre précédente.

Après tout, l'univers du jeu vidéo est assez limité, et il y a peu de choses qui ressemble autant à un jeu vidéo qu'un autre jeu vidéo... «En plus, vu l'ampleur commerciale des jeux vidéo, il faut que les éditeurs réfléchissent aux moyens de se prémunir face à ces poursuites et une assurance comme celle-là serait une solution», conclut l'avocate montréalaise.