Après la fin annoncée de la pièce d'un cent, ça pourrait être le tour du bon vieux chèque de disparaître du système de paiement canadien. Désireux de moderniser la façon dont les Canadiens font des transactions, Ottawa songe à mettre en place des mesures favorisant le paiement électronique au détriment du papier, aussi tôt que cette année.

La fin progressive de la pièce d'un sou pourrait n'être que le début d'un long processus de transformation du système de paiement canadien. Coûteux et peu efficace, le chèque pourrait être la prochaine victime de la modernisation des outils transactionnels, utilisés tant par les institutions bancaires que les consommateurs et le gouvernement lui-même.

«On assiste depuis 10 ans à une modernisation sans précédent des méthodes de paiement. Pour que l'économie canadienne conserve un niveau de compétitivité à l'international, le gouvernement fédéral constate qu'il faut procéder à un nouveau virage technologique. Les virements par courriel, le paiement par téléphone mobile et les transactions sans contact vont devenir des solutions plus courantes, alors que même le papier-monnaie va être utilisé moins fréquemment», résume Me Marc Lemieux, avocat chez Fraser Milner Casgrain, et professeur à l'Université McGill, spécialiste de l'industrie du paiement.

Des pays comme l'Angleterre ont amorcé une élimination du chèque de leur propre système de paiement. Les commerçants, puisqu'ils assument les frais liés aux différents moyens de paiement, en bénéficieront, constate l'avocat montréalais. «Ça accélère le service: les clients règlent la note en trois minutes au lieu de cinq. Ça réduit les risques de fraude. Il y a aussi des avantages indirects: par exemple, le paiement par téléphone mobile ouvre la voie du marketing mobile géolocalisé.»

Deux points de PIB de plus d'ici 2016

Fin mars, le ministère des Finances a publié Le Canada à l'ère numérique, que le Groupe de travail sur l'examen du système de paiement lui a remis en décembre dernier. Ce rapport insiste fortement sur la modernisation du système de paiement, ajoutant que si des mesures favorisant les nouvelles technologies étaient immédiatement mises en place, l'économie canadienne pourrait gagner en productivité l'équivalent de 2% de son PIB, soit 32 milliards de dollars, au fil des quatre prochaines années.

Composé de spécialistes de divers horizons, le Groupe de travail conclut que c'est au gouvernement de mener le changement en incitant le secteur financier à se moderniser. «Notre structure d'encadrement des paiements est dirigée par les grandes banques canadiennes et d'autres institutions-clés. Leurs intérêts sont mieux servis lorsqu'elles empêchent l'intégration dans le système de ces nouveaux venus», constate le rapport, qui ajoute, en se basant sur l'analyse de 27 autres pays, que les entreprises canadiennes pourraient réduire l'ensemble de leurs coûts de 1 à 2% en troquant le papier pour une solution électronique.

Ce que recommande le groupe de travail pour corriger la situation est ambitieux: créer un système de facturation et de paiement électronique intégrant un régime d'identification numérique que pourraient utiliser consommateurs et commerçants. Il n'est cependant pas improbable.

«On dit qu'une économie est aussi forte que son système de paiement. En publiant ce rapport, le gouvernement prouve qu'il a entendu le message. Il n'y avait rien d'annoncé dans le budget, mais il y a de fortes chances que des mesures, comme l'élimination du chèque, justement, apparaissent avant la fin de l'année», conclut Marc Lemieux.