Le groupe informatique Microsoft a annoncé mercredi qu'il avait saisi la Commission européenne d'une plainte contre Google et sa filiale Motorola Mobility, qu'il accuse d'«essayer de bloquer les ventes d'ordinateurs sous Windows, de consoles de jeu Xbox et d'autres produits».

«Motorola est en voie d'utiliser des brevets standards essentiels pour tuer la vidéo sur internet, et Google, son nouveau propriétaire, ne semble pas vouloir changer d'orientation», a accusé le directeur juridique adjoint de Microsoft Dave Heiner, sur un blogue du groupe.

Selon lui, cette attitude revient à vouloir bloquer la vente «d'ordinateurs sous Windows, de consoles de jeu Xbox et d'autres produits».

M. Heiner a évoqué des «actions en justice engagées des deux côtés de l'Atlantique par lesquelles Motorola exige que Microsoft retire ses produits des marchés, ou enlève les fonctionnalités permettant de diffuser des vidéos et de se connecter à internet sans fil» via les systèmes wifi.

«Malheureusement, Motorola refuse de rendre ses brevets accessibles à un prix qui soit proche du raisonnable», selon lui.

Cette plainte est annoncée neuf jours après le feu vert accordé par les autorités américaines et européennes au rachat de Motorola Mobility par Google, une opération qui permet au géant de l'internet de mettre la main sur quelque 17 000 brevets, notamment dans la vidéo et la téléphonie mobile.

Les plus grands groupes technologiques du monde, au premier rang desquels Microsoft et Google, sont engagés dans une guerre des brevets féroce.

La semaine dernière, Motorola Mobility avait indiqué dans son rapport annuel qu'il avait été également informé par la Commission européenne de poursuites similaires lancées par Apple. «La plainte d'Apple demande l'intervention de la Commission pour les questions de brevets standards essentiels», avait indiqué Motorola.

En approuvant la fusion entre Motorola Mobility et Google la semaine dernière, le ministère américain de la Justice n'avait pas caché son inquiétude quant à la façon dont la nouvelle entité entendait utiliser ses «brevets standards essentiels» (ou SEP, standard essential patents), jugeant l'attitude d'Apple et Microsoft en la matière moins discutable.

«Les inquiétudes des services (de la concurrence) au sujet de l'utilisation potentiellement anticoncurrentielle des SEP ont été apaisées par les engagements clairs pris par Apple et Microsoft de fournir des licences sur des bases équitables, raisonnables et non discriminatoires (...). Les engagements pris par Google ont été plus ambigus», faisait valoir le ministère.

Un blogueur influent, spécialiste du droit des brevets, Florian Mueller, souvent très critique envers Google, estimait mercredi sur son blog que «si tous les propriétaires de SEP se comportaient comme Motorola, le secteur serait plongé dans le chaos et serait freiné jusqu'à l'immobilisation».

«Les SEP ne sont pas puissants en raison de leurs mérites techniques», ajoutait M. Mueller: «la plupart du temps ils ne sont pas particulièrement novateurs. Ils sont juste essentiels parce qu'ils recouvrent des pans obligatoires de (certaines) normes, c'est la seule raison pour laquelle on ne peut pas s'en passer une fois qu'ils font partie d'une norme d'un secteur».

En août, Google, qui venait alors de voir lui échapper la reprise du trésor de brevets de l'équipementier en liquidation Nortel, s'était dit victime d'une «campagne hostile» menée par Microsoft, Oracle, Apple et d'autres, «par le biais de brevets bidons».

Le groupe de Mountain View a depuis cherché à étoffer son portefeuille de brevets avec l'acquisition de Motorola Mobility et l'achat de plusieurs lots de propriété intellectuelle d'IBM.