Alors que le Plan Nord du gouvernement provincial semble axé sur l'exploitation de ressources naturelles, plusieurs spécialistes des nouvelles technologies y voient un potentiel technologique immense. Selon eux, le Nord québécois a tous les atouts pour devenir un pôle mondial de centres de données hébergeant les services web de prochaine génération.

Le gouvernement n'est pas insensible à ces arguments, mais aider à construire ces coûteux centres de données ne fait toujours pas l'unanimité. Il y a trois ans, Hydro-Québec a coupé court à des discussions avec Google, jugeant les éventuelles retombées trop minimes pour vendre de l'électricité au rabais.

Ce point de vue est en train de changer. Québec aimerait de nouveau attirer des étoiles montantes du web sur son territoire, surtout dans le cadre de son Plan Nord. Le gouvernement a d'ailleurs commandé de nouvelles études afin de s'assurer de la viabilité d'un tel projet, explique Bill St-Arnaud, consultant spécialisé établi à Ottawa et engagé dans le dossier.

«Les emplois créés directement sont minimes, mais dans la douzaine d'États américains qui financent lourdement ce secteur, on voit plusieurs autres entreprises technologiques ayant besoin de ces centres de données s'installer à proximité. Ces centres créent donc des emplois indirectement, le genre d'emplois spécialisés qu'un gouvernement veut aider à créer», dit-il.

Ce ne sont pas tous les types de centres de données qui ont le même impact. En septembre, Google a terminé la conversion d'une ancienne usine de pâtes et papiers dans le petit village côtier de Hamina, en Finlande, au coût de 200 millions de dollars, afin d'en faire son principal centre de données européen. Requérant deux fois la consommation énergétique totale des 20 000 habitants de l'endroit, il n'emploie que 90 personnes.

Pays scandinaves

En fait, ce qui a attiré Google en Finlande, et plus particulièrement à Hamina, ce sont des tunnels qui traversent l'ancienne usine et qui utilisent l'eau de la mer Baltique pour refroidir le bâtiment tout à fait naturellement. C'est qu'en plus d'occuper beaucoup d'espace, les centres de données exigent beaucoup d'énergie et gaspillent une large partie de celle-ci à refroidir leurs systèmes informatiques.

Ce sont des facteurs de plus en plus embêtants pour les géants du web moderne. Facebook vient d'ailleurs d'annoncer son intention de s'installer dans un petit village au nord de la Suède pour les mêmes raisons que Google.

«Qui dit Grand Nord dit froid, et c'est une caractéristique hautement recherchée ces jours-ci, en informatique. Un centre de données, c'est une grosse chaufferette: 98% de l'énergie qui y passe ressort en chaleur. Pouvoir refroidir avec l'air ambiant ou l'eau d'une rivière avoisinante, ça vaut de l'or», explique Michel Plante, président et cofondateur de Karno.

Karno est une entreprise montréalaise qui, justement, convertit des usines et des sites industriels désuets en centres de données. Son objectif: attirer au Québec une part des quelque 8 milliards de dollars qui sont investis annuellement dans ce secteur. Selon elle, des températures froides, des centres industriels sous-exploités et une énergie propre et abordable sont les trois principaux avantages du Nord québécois.

Le fait que Québec ait récemment annoncé une enveloppe de 900 millions de dollars pour la modernisation du réseau informatique québécois - en étendant de la fibre optique à la grandeur du territoire d'ici dix ans - ne nuira pas non plus à ce projet.

«Jusqu'ici, c'est ce qui manquait au Québec pour jouer dans la même cour que la Suède. Avec ça, nous croyons que le Québec aura tout ce qu'il faut pour devenir un pôle mondial des centres de données», conclut M. Plante.