Il y a quelques années, les mastodontes nippons de l'électronique investissaient des milliards dans la construction d'usines géantes de dalles d'écrans de TV. Aujourd'hui, ils sont obligés de convertir ou fermer leurs sites devenus impossibles à rentabiliser.

En l'espace de trois ans, le discours des patrons de Panasonic, Sharp ou Sony a radicalement changé. Alors qu'ils misaient avec enthousiasme sur la production massive de dalles-mères à technologie plasma ou à cristaux liquides (LCD), ils annoncent désormais tour à tour des changement radicaux de braquets.

Sharp, pionnier du secteur qui a inauguré en octobre 2009 un immense complexe industriel de façonnage de dalles LCD à Sakai (ouest), avançant même le calendrier pour répondre à la demande, est forcé désormais de rétropédaler.

«Le tarif de vente des dalles de TV ne cesse de chuter faisant peser une pression énorme sur les fabricants», se plaignait en juin le PDG de Sharp, Mikio Katayama.

Face à des groupes asiatiques capables de débiter des dalles à bas coûts, les Japonais ne parviennent plus à suivre, pénalisés par la cherté de leur monnaie et installations.

Le prix des TV de tailles moyennes baisse de l'ordre de 30% par an en magasin, alors que la seule dalle représente 60% du coût de revient.

«Les TV de dimensions inférieures à 40 pouces de diagonale (102 cm) ne sont plus rentables», selon M. Katayama.

Et d'ajouter: «il suffit de voir les prix ultra bas pratiqués aux États-Unis pour se rendre compte de la difficulté de conserver des marges dans ce domaine ultra-concurrentiel».

Les Taïwanais ont rattrapé plus vite que prévu leur retard technique en se dotant d'équipements de pointe, au demeurant souvent conçus par des groupes nippons.

«Pour que nous restions compétitifs, il faut absolument que nos produits se distinguent des autres sur le plan de la qualité car, par ailleurs, nous sommes handicapés par les coûts de production au Japon amplifiés par la force du yen», souligne M. Katayama.

De fait, au lieu de continuer à fabriquer des dalles pour les TV de tailles moyennes, le groupe estime nécessaire de se concentrer sur deux types de marchés plus prometteurs: les petits et moyens écrans pour appareils nomades, dans son usine de Kameyama (centre), et les très grands écrans pour les TV et systèmes d'affichage électronique, à Sakai.

Les écrans tactiles des téléphones multifonctionnels (smartphones) et tablettes numériques exigent des technologies avancées et une excellente qualité, conditions que les Japonais remplissent mieux que les autres firmes asiatiques. Idem pour les écrans géants, Sharp étant le seul à même de sortir des dalles dites de 10e génération, de dimensions atteignant 3,05 mètres sur 2,85.

Même motif, même sanction et même système de défense pour le compatriote et concurrent de Sharp, Panasonic.

Le groupe va arrêter de produire en propre au Japon une grande partie des dalles LCD destinées aux téléviseurs, en fermant l'usine dédiée de Mobara (est de Tokyo) et réduisant la production à Himeji (centre-ouest), au profit de dalles destinées à d'autres usages que les télévisions (smartphones, tablettes).

Pour les TV, «nous allons augmenter l'approvisionnement auprès de fournisseurs étrangers», a expliqué le PDG de Panasonic, Fumio Ohtsubo, pour qui les téléviseurs restent néanmoins une activité importante mais qui doit être profitable.

La production de dalles plasma sera pour sa part concentrée sur celles destinées aux grands modèles d'écrans haute de gamme, dans une seule usine à Amagasaki (centre-ouest) au lieu de trois sites encore en activité.

Le fleuron nippon Sony est aussi pris dans la nasse. Depuis plus de sept ans, son activité de téléviseurs est ancrée dans le rouge. Le groupe s'approvisionne en dalles LCD auprès d'une coentreprise contrôlée avec son concurrent sud-coréen Samsung Electronics, et en partie auprès de Sharp. Cette tactique devait permettre de mieux rentabiliser les installations grâce à de gros volumes.

Sony a déboursé plus d'un milliard d'euros pour doper la production de la coentreprise S-LCD en Corée du Sud, mais, selon la presse nippone, il envisage aujourd'hui de revendre ses parts à Samsung et de s'approvisionner davantage auprès de sous-traitants.

Il a aussi pour l'heure renoncé à investir davantage dans l'usine de Sharp à Sakai, alors qu'il devait monter à hauteur de 34% des parts de la filiale qui exploite le site.