Finalement, ça y est. La télévision est devenue numérique dans la quasi-totalité des foyers du pays. Un changement technologique prévu depuis 10 ans, mais qui peut apporter son lot de bouleversements pour les téléspectateurs, a-t-on constaté hier.

«Comment ça marche?» Un convertisseur emballé à la main, une cliente légèrement excédée a de nombreuses questions à poser aux vendeurs d'une succursale d'un magasin d'électroménagers de Montréal: la disparition du signal analogique était prévue pour le 1er septembre, dès minuit, mais certaines chaînes ont toutefois devancé leur transition de quelques heures, créant la surprise - et parfois, la panique. «Ce matin, CTV avait disparu. Je m'attendais à ce que ça commence demain», proteste cette téléspectatrice. Stoïque, son conjoint, Grant, s'est résolu à investir dans un convertisseur. «Je ne peux pas dire que je suis content: ça me coûte quand même 50$», a-t-il dit.

Annoncée en avril 2007 par le CRTC, la fin du signal analogique gratuit à la télévision a finalement eu lieu la nuit dernière: dans 80% du pays, les chaînes gratuites sont passées au numérique. Pour les téléspectateurs qui ne sont pas abonnés au câble ou à la télévision par satellite, le convertisseur numérique est l'achat indispensable pour continuer à recevoir les chaînes gratuites généralistes comme Radio-Canada, TVA, V, Global ou CTV.

Depuis un mois, ces convertisseurs, vendus entre 50$ et 70$, font l'objet de toutes les convoitises. Deux magasins visités hier par La Presse à Montréal étaient ainsi en rupture de stock. Ce succès devrait survivre encore quelques jours à la disparition du signal analogique. «Les derniers mois ont été assez incroyables. Depuis deux semaines, on a un regain de ventes, mais on prévoit un autre boum dans les prochains jours. Il y aura toujours des retardataires qui vont se présenter plus tard», dit Patrick Lavoie, porte-parole de Best Buy.

Patrimoine Canada estime que le passage de l'analogique au numérique s'est fait en douceur. «D'autres pays ont dû le retarder, mais pas nous. Le Canada est dans les passages les mieux réussis», croit Chaouki Dakdouki, directeur politique de la distribution et l'accès chez Patrimoine Canada. Aux côtés du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), le Ministère a veillé à ce que les téléspectateurs canadiens restent informés de cette petite révolution: un site internet consacré à la question et un numéro sans frais ont été mis en place.

Mais cette transition laissera tout de même des Québécois sur le carreau: le convertisseur n'est pas accessible à toutes les bourses et le gouvernement n'a mis aucune mesure en place pour aider ces foyers. «Le gouvernement estime que la somme est minime, mais quand on a un revenu de 8000$ par année, on n'a pas 70$ pour acheter un convertisseur. Le droit à l'information des plus démunis est brimé», déplore Amélie Châteauneuf, porte-parole du Front commun des personnes assistées sociales du Québec.

L'Union des consommateurs se prépare à recevoir des plaintes après la disparition du signal analogique. «Les gens s'inquiètent, mais il y aura encore plus d'inquiétudes dans les prochains jours», croit Anthony Hémond, avocat et analyste à l'Union.