Téléphones intelligents et tablettes numériques constituent un débouché prometteur pour les éditeurs de magazines, réunis en congrès à Berlin, mais leur quête de nouveaux formats et de modèles lucratifs se heurte à la présence envahissante du fabricant Apple.

L'ombre de l'inventeur de l'iPhone et de l'iPad plane sur toutes les discussions tant il est pour le moment incontournable et omniprésent, comme fournisseur des principales plateformes de diffusion de contenus et point de passage quasi obligé pour leur commercialisation.

Mi-février, Apple a dévoilé un nouveau modèle très attendu d'abonnements en ligne.

Il offrira une nouvelle source de revenus aux éditeurs qui ne vendent pour l'instant qu'au numéro, mais à certaines conditions: la firme américaine prélèvera 30% de commission sur les abonnements contractés par l'«App store» et conservera en sa possession une partie des informations sur les abonnés.

Ces exigences suscitent la grogne des éditeurs. Elles auraient même mis la puce à l'oreille des autorités antitrust aux États-Unis, selon la presse.

«Si nous sommes tributaires d'un distributeur externe et qu'il ne nous permet pas le contact direct avec nos lecteurs», les nouveaux canaux de distribution «ne sont plus une opportunité mais une menace», s'inquiète Kevin Costello, patron du groupe de presse britannique Haymarket, éditeur de magazines spécialisés de jardinage, de santé ou encore d'automobile.

«Nous sommes confrontés à des monopoles dans de plus en plus de marchés», dénonce Alexander von Reibnitz, de la fédération allemande des éditeurs de magazines, citant Apple mais aussi Google et Facebook. Et de plaider pour que «les éditeurs fassent front commun et coopèrent».

Quelques-uns le font déjà. En Scandinavie, trois éditeurs de magazines, Bonnier (Suède), Egmont et Aller (Danemark) ont uni leurs forces dans une «initiative scandinave numérique» qui «examine les possibilités d'une distribution commune ou d'un magasin commun».

«Nous avons besoin du lien avec nos consommateurs, et à ce stade dans le monde numérique, on ne nous l'offre pas», explique Jonas von Hedenberg, de Bonnier, dans une allusion à peine voilée à la firme californienne.

Aux États-Unis aussi, plusieurs éditeurs parmi lesquels Condé Nast, Time Inc et News Corp travaillent à un «magasin» commun pour leurs produits.

De façon générale, cependant, «il se passe peu de choses dans ce domaine», regrette Rebecca McPheters, consultante média américaine, appelant les maisons d'édition à «se pencher là-dessus le plus tôt possible».

La riposte est difficile à organiser dans un marché où tout reste à inventer et où chacun tâtonne pour trouver sa place et son modèle.

«Expérimenter», c'est le mot qui revient le plus souvent dans la bouche des éditeurs réunis à Berlin.

Cela va de la recherche de ce qui plaira le plus aux consommateurs -réplique interactive d'une édition papier ou une toute nouvelle publication- mais aussi aux modèles et tarifs à appliquer à la publicité.

Même si la fascination reste forte pour les produits de la firme de Steve Jobs et leurs potentialités, Juan Senor, directeur au Royaume-Uni du consultant média Innovation Media Consulting Group met en garde les professionnels contre «l'idolâtrie vis-à-vis d'Apple».

Ses dirigeants «veulent devenir le kiosque du monde, ils veulent contrôler les données, la structure de prix», assène-t-il. Or, à ce train-là, il ne restera pas grand-chose aux éditeurs de magazines et de journaux.