IBM s'apprête à lancer un nouveau défi à l'intelligence humaine, près de 15 ans après avoir vaincu Garry Kasparov aux échecs, en confrontant son super-ordinateur Watson à deux champions du jeux télévisé «Jeopardy!».

Watson, qui doit son nom au cofondateur d'IBM Thomas Watson, doit participer à deux parties de Jeopardy! entre lundi et mercredi, contre Ken Jennings, le seul participant à avoir enchaîné 74 victoires de suite, et Brad Rutter, qui a réussi à empocher 3,25 millions de dollars grâce au jeu.

Lors d'un échauffement le mois dernier dans un centre de recherche d'IBM dans l'État de New York, Watson avait gagné plus d'argent que ses concurrents, mais tous les trois avaient fourni des réponses correctes aux 15 questions.

Jeopardy!, qui a fait ses débuts à la télévision américaine en 1964, met à l'épreuve les connaissances des joueurs sur toute une série de sujets, de la géographie à la politique et l'histoire en passant par les sports et la culture. Le jeu a pour particularité de proposer des réponses, pour lesquelles les joueurs doivent formuler la question correspondante.

Durant la partie d'échauffement, les joueurs ont dû ainsi trouver la question correspondant à la réponse: «le film Gigi lui a donné une de ses chansons les plus connues, Thank Heaven for Little Girls».

Watson, sous la forme d'un grand écran, a fait retentir sa sonnette une fraction de seconde, pour dire de sa voix artificielle: «Qui est Maurice Chevalier?»

Chaque question a une valeur exprimée en dollars, et celui qui gagne le plus d'argent a gagné. Les joueurs perdent de l'argent quand ils donnent une mauvaise réponse.

Watson, qui n'est pas connecté à internet, recourt à de multiples algorithmes à une vitesse vertigineuse pour déterminer avec des pourcentages de probabilité ce qui a le plus de chance d'être la bonne réponse. Ainsi il était sûr à 98% que Maurice Chevalier était bien l'auteur de la chanson de Gigi.

IBM a expliqué que les capacités de l'ordinateur étaient plus sophistiquées que celles qu'il avait fallu pour battre Kasparov.

«Le truc avec les échecs, c'est qu'il est assez simple de représenter une partie dans un ordinateur», explique Eric Brown, membre de l'équipe qui travaille sur la programmation de Watson depuis 2006.

«Avec les échecs, c'est presque mathématique», ajoute-t-il: «on peut envisager toutes les possibilités».

En revanche, Jeopardy! repose sur l'utilisation du langage. «Les question peuvent être exprimée dans une langue et avec une série infinie de nuances», explique M. Brown. Or l'ironie, l'ambiguïté, les jeux de mots et autres charades ne sont pas le fort d'un ordinateur.

«L'approche initiale à laquelle on pourrait penser, c'est de bâtir une base de données géante», ajoute-t-il. «Mais cette approche ne marche pas».

Jouer à Jeopardy! ne revient pas non plus à fouiller internet.

«Avec la recherche sur internet, on donne une information en quelques mots clés, et le moteur de recherche ressort 10 pages ou un demi-million correspondant à ce qu'on recherche», explique-t-il. «Mais si on recherche une information précise, (comme sur Jeopardy!), il faut examiner ces documents pour trouver la réponse exacte».

Watson utilise ce qu'IBM appelle une «technologie de réponse aux questions», pour analyser les problèmes posés, rassembler des indices, les étudier, et ordonner les propositions qui ont le plus de chances d'être les bonnes.

Le gagnant de ce nouvel affrontement de l'homme contre la machine doit recevoir un million de dollars. Le deuxième touchera 300 000 dollars et le troisième 200 000 dollars. IBM a annoncé qu'il offrirait l'intégralité de ces gains à des bonnes causes, M. Jennings et Rutter prévoyant d'en donner la moitié.