Après l'Inde, le fabricant canadien du BlackBerry est menacé de suspension partielle en Indonésie, où le gouvernement exige qu'il filtre le web pour bloquer l'accès aux sites pornographiques sur ses téléphones intelligents .

Jakarta a fixé un ultimatum au 21 janvier à Research in Motion (RIM) pour qu'il empêche ses abonnés de se connecter aux sites licencieux. Dans le cas contraire, ses clients ne pourront plus surfer sur internet même si les autres services (téléphone, messageries...) resteront disponibles.

Cette menace fait grand bruit dans l'archipel, où BlackBerry rencontre un immense succès et compte plus de deux millions d'abonnés.

Le bras de fer a été engagé par le ministre des Communications et de l'Information, Tifatul Sembiring, l'un des membres les plus controversés du gouvernement.

Elu d'un parti islamique conservateur, il est parti en guerre contre «l'immoralité» qui menace selon lui, via les nouvelles technologies, le pays comptant le plus de musulmans au monde.

En juillet 2010, il avait enjoint les fournisseurs d'accès à bloquer l'accès aux millions de sites pornographiques recensés à la suite d'un retentissant scandale de diffusion en ligne de vidéos de scènes sexuelles impliquant un chanteur et deux présentatrices très populaires.

RIM a répondu lundi à l'ultimatum en s'engageant à mettre en place un filtre «dès que possible» après avoir «consulté ses partenaires pour trouver une solution technique».

Une réunion avec le gouvernement est prévue le 17 janvier pour examiner l'état d'avancement du dossier.

L'engagement de RIM «est une bonne nouvelle» et devrait déboucher sur un accord, a réagi mardi le porte-parole du ministère, Gatot Dewa Broto.

Le fabricant basé à Toronto a tout intérêt à trouver une solution car «le marché est important pour lui» en Indonésie, qui compte 240 millions d'habitants, a-t-il fait remarquer.

Filtrer le web à destination d'un seul pays «est faisable mais pour un coût élevé», indique Ade Armando, professeur à l'Université d'Indonésie. BlackBerry va probablement le faire «à partir de son siège au Canada».

Bien sûr «il n'est pas possible d'interdire l'accès à 100% des sites pornographiques», précise Heru Sutadi, membre de la Commission de réglementation des télécommunications. «Mais il peut en censurer un grand nombre sur la base des mots clés et des adresses connues».

L'ultimatum de M. Sembiring a provoqué des réactions outragées sur la toile, où nombre d'internautes y voient une tentative de réglementer la liberté d'expression.

«Le ministre n'a-t-il rien de mieux à faire?», s'interroge un internaute sur son compte Twitter. Pour un autre, «la pornographie est un péché, mais cela ne concerne que Dieu et moi».

«Certaines personnes sont très critiques mais d'autres nous soutiennent car notre objectif est de faire respecter une loi destinée à lutter contre les contenus négatifs», assure M. Broto.

Outre l'Indonésie, RIM entretient des relations difficiles avec le pouvoir en Inde, qui menace de suspendre sa licence s'il ne rend pas accessibles les données jugées trop sécurisées de messagerie de son téléphone.

En octobre, les Émirats arabes unis avaient également menacé de suspendre les services de BlackBerry, avant d'annoncer un accord sur la surveillance des données.