Le Walkman est arrivé dans nos oreilles en 1979. Grâce à lui, les ados des années 80 ont pu écouter en marchant ou en faisant du patin à roulettes des cassettes diffusant leurs playlists de chansons enregistrées à la radio. Après maintes métamorphoses, qui ont mené à la naissance du lecteur MP3, le Walkman arrive à la fin de sa vie. Son inventeur, Sony, vient en effet d'annoncer son retrait du marché. Retour sur ce qui jadis a été le futur de la musique.

Chez Davidson Électro-nique, boulevard Saint-Laurent, deux ou trois Walkman patientent sur les tablettes. Ils sont les derniers vestiges d'une époque révolue: celle du lecteur de cassettes portatif.

Pour André Mondoux, chercheur à l'école des médias de l'UQAM qui a consacré sa thèse de doctorat à l'individuation de la musique du Walkman au MP3, l'arrivée du Walkman dans le paysage technologique a été un jalon important dans la personnalisation de l'écoute.

Après les kiosques dans les parcs et les concerts publics, le champ d'écoute de la musique s'est miniaturisé vers la radio transistor, le gros meuble à chaîne stéréo, la minichaîne et, à partir de 1979, le Walkman. On connaît la suite: le lecteur de CD portatif et finalement le lecteur MP3.

«Il y a eu une transmutation de la musique avec le Walkman: tu peux l'amener où tu veux, quand tu veux, et encore plus loin. Avec le MP3, on a élargi encore le champ du "je", si bien qu'il est possible d'obtenir de la musique où et quand on veut», exprime le chercheur, dans son bureau de l'UQAM.

L'entrée en scène du Walkman en 1979 était plus une affaire de marketing que d'innovation technologique, puisque les premières radios portables (transistors) existaient depuis les années 50 et 60. À ses débuts, le Walkman avait à peu près la taille d'un roman de poche et s'accompagnait de gros écouteurs s'enroulant autour de la tête. Très vite, cette version japonaise des transistors a trouvé sa place dans la culture populaire, immortalisé notamment par Kevin Bacon sur l'affiche du film Footloose.

Contrairement aux autres magnétophones portatifs (surtout achetés pour des fonctions professionnelles), le Walkman était vendu aux consommateurs «ordinaires». De l'avis d'André Mondoux, le passage en mode Walkman annonce une logique de consommation de la musique, plus que de son appréciation «À ce moment-là, la musique s'inscrit dans un contexte où elle devient jouissance.»

Pierre, du magasin Davidson, se souvient de l'âge d'or du Walkman, vers les années 1983-1984. Selon lui, cet objet fétiche des ados des années 80 a non seulement rendu la musique portative, mais a surtout amené l'innovation de la stéréophonie portative.

«Mon premier commerce a vraiment démarré à cause du Walkman. Au début des années 80, il y a eu un apogée dans la demande. Je me rappelle une journée dans le temps des Fêtes, j'ai vendu pour 4000$ de Walkman! Récemment, on n'en vendait pas plus de deux ou trois par mois.»

La cassette et ses irréductibles

Plus que la mort du Walkman, c'est sa survie jusqu'à 2010 qui étonne: comment se fait-il que Sony ait commercialisé si longtemps une technologie aussi vétuste?

«La technologie cassette est morte, mais les gens en ont encore chez eux. Comme ils n'ont pas fait le transfert sur CD ou MP3, ils n'ont plus rien pour les écouter. C'est pourquoi ils viennent s'acheter un Walkman», dit Pierre de chez Davidson.

Si Sony a continué à en fabriquer jusqu'à ce jour, c'est tout simplement parce que la chaîne de production était déjà en place et que malgré la baisse marquée des ventes, le Walkman répondait à une bonne demande dans le monde. L'inventeur du Walkman n'en produira plus, mais d'autres - en Chine - s'en chargeront.

En fait, le Walkman n'est pas fort, mais il n'est pas mort. De jeunes friands de vieilles technos lui donneront-ils une nouvelle vie?