Choc des titans version internet en Allemagne: Deutsche Post a présenté mercredi sa stratégie de conquête du marché prometteur du courrier électronique sécurisé, déclarant la guerre à un autre ex-monopole, Deutsche Telekom.

«Une révolution», a lancé le patron de Deutsche Post, Frank Appel, présentant la lettre virtuelle «E-Brief» du numéro un allemand du courrier lors d'une conférence de presse à Berlin.

Pour les usagers, il suffit de demander une adresse électronique sécurisée à leur nom, établie gratuitement sur présentation d'une pièce d'identité. Le détenteur de cette boîte postale virtuelle pourra pour 55 centimes, le même tarif qu'une lettre ordinaire en Allemagne, envoyer un courrier.

Cet envoi se fait soit sous forme complètement électronique, à un correspondant lui aussi détenteur d'une adresse sécurisée, soit en demandant que le courrier soit imprimé et distribué «à l'ancienne», ce que les spécialistes appellent les «lettres hybrides.»

Le système d'adresse sécurisée protège d'un piratage, au contraire d'une adresse électronique banale, assure Deutsche Post. Les lettres ainsi envoyées restent confidentielles et doivent avoir la même force juridique qu'un courrier écrit, par exemple pour résilier un bail ou un contrat.

En assurant dès maintenant la distribution des lettres virtuelles, l'ancienne poste publique, encore détenue à 30,5% par l'Etat, prend une longueur d'avance sur un autre ex-monopole, Deutsche Telekom.

Le géant allemand des télécommunications a déjà lancé les inscriptions pour des adresses sécurisées mais ses boîtes postales ne fonctionnent pas encore.

Deutsche Telekom veut attendre que l'Allemagne se dote d'une loi donnant pleine force juridique aux lettres virtuelles, par exemple en autorisant leur utilisation pour des amendes ou des convocations au tribunal.

Cette loi, attendue à l'automne, donnera ainsi le vrai coup d'envoi au marché de la lettre virtuelle, particulièrement intéressant pour les envois en masse, ceux des administrations et des entreprises. Le potentiel de la lettre virtuelle est estimé à quelque 5 milliards de courrier par an.

Pour attirer le chaland, Deutsche Telekom promet un certain nombre d'envois gratuits.

Le marché fait des envieux. L'opérateur United Internet, propriétaire de deux systèmes de courrier électronique très utilisés en Allemagne (gmx.de et web.de), a déjà lancé un service de «lettre hybride», coûtant 54 centimes. Il dit avoir enregistré 125.000 personnes.

Selon la presse, Deutsche Telekom comme United Internet devraient faire payer bien moins cher que Deutsche Post les lettres purement virtuelles.

Face à cette guerre des prix annoncée, Deutsche Post, confronté à une érosion inéluctable de son chiffre d'affaires dans le courrier traditionnel, tente de jouer sur son image. Sa publicité télévisée lancée mercredi joue sur le contraste entre un monde virtuel chaotique et l'image rassurante d'un facteur à vélo.

Deutsche Post s'est aussi lié avec le fabricant de logiciels professionnels SAP, l'assureur Allianz, aux 19 millions de clients, et l'association d'automobilistes ADAC (16 millions de membres).

La bataille sera sans merci: ne survivront en effet que les prestataires ayant un nombre suffisant de clients pour que leur service de lettre virtuelle soit réellement attractif.