L'heure du livre électronique, maintes fois annoncée, a-t-elle enfin sonné? Le monde de l'édition, réuni cette semaine pour la 60e Foire du Livre de Francfort, a en tout cas les yeux de Chimène pour les dernières nouveautés numériques.

Selon les organisateurs du premier salon mondial de l'édition, qui a ouvert ses portes mercredi aux professionnels et accueillera le grand public ce week-end, le chiffre d'affaires du livre numérique dépassera en 2018 celui du livre en papier.

Dans les allées de la Foire, chacun veut voir et manipuler le «Kindle», lecteur de livres électroniques du site de vente en ligne Amazon à grand succès aux États-Unis, son concurrent conçu par le japonais Sony, ou encore l'étonnant «Readus» de la société Polymer Vision, dont l'écran se roule comme un parchemin.

Tous espèrent pour le livre électronique un «effet Ipod», un engouement comparable à celui suscité par le célèbre baladeur d'Apple.

Les promesses des fabricants donnent le vertige: télécharger n'importe où et n'importe quand, via un réseau sans fil, un livre entier, choisi parmi un catalogue de plusieurs milliers de titres, 185 000 par exemple pour Amazon aux États-Unis.

Le tout sur un appareil grand comme un livre de poche, dont le confort de lecture ne cesse de s'améliorer depuis l'invention d'un procédé d'affichage appelé «encre digitale.»

Ce n'est pas sans angoisse que le secteur de l'édition se prépare à cette révolution annoncée.

«Si les libraires n'embrassent pas l'évolution numérique, ils devront fermer boutique», résume Fran Dubruille, de la Fédération internationale des libraires.

Allan Adler, qui représente l'Association américaine des éditeurs, s'inquiète quant à lui du risque de piraterie dès lors que les livres seront numérisés en masse, en brandissant l'exemple de l'industrie du disque ou du cinéma.

«Que se passe-t-il si des livres entiers sont mis en ligne sans autorisation?» s'interroge-t-il.

Face à lui, le Brésilien Paulo Coelho, «popstar» autoproclamée de la littérature avec ses oeuvres comme «L'Alchimiste», ne voit que des avantages dans l'arrivée du numérique.

«Au lieu de voir les nouveaux médias comme de nouvelles opportunités de marketing, les éditeurs considèrent Internet comme un ennemi», regrette l'écrivain, qui assure mettre sans crainte ses livres en ligne, gratuitement, car cela ne fait qu'augmenter ses ventes.

«Plus l'on donne, plus l'on reçoit», lance l'auteur aux 100 millions de livres vendus dans le monde.

De nombreux professionnels rappellent toutefois que si la révolution numérique a été maintes fois annoncée, elle n'a pour l'instant réellement débuté qu'aux États-Unis et peut-être en Chine.

L'un des principaux problèmes est celui de la langue: l'écrasante majorité des livres numérisés sont écrits en anglais.

La numérisation des ouvrages est d'ailleurs devenue un enjeu politique, comme le montrent les remous suscités par le lancement de la grande bibliothèque virtuelle du moteur de recherche internet américain Google.

Un autre obstacle, plus technique, est celui du format des livres électroniques. En clair: comment faire en sorte que tous les ouvrages soient lisibles sur tous les lecteurs, toutes marques confondues?

Un dernier argument pourrait aussi calmer les esprits: «Les lecteurs de livres électroniques sont chers», rappelle Fran Dubruille.

Aujourd'hui, leur prix tourne autour de 350 dollars. Auxquels s'ajoute le coût du téléchargement, qui peut atteindre celui du papier.