Moins de manufactures, plus de services. Dans le domaine des technos, Montréal et Québec changent à peu près de la même façon. Mais chacune a aussi ses propres spécificités, ses propres atouts. Ses handicaps aussi. Car si l'une recrute plus facilement, l'autre sait davantage garder ses employés. Portrait d'une rivalité.

Avec près de 110 000 emplois, le secteur techno de Montréal fait figure de géant à côté de celui de Québec et ses 14 000 travailleurs.

Même en le comparant sur la base du total des emplois dans chaque région, le secteur techno est deux fois plus important à Montréal qu'à Québec.

Dans la Vieille Capitale, toutefois, les travailleurs qui s'établissent dans une entreprise ont davantage tendance à y rester.

Québec a aussi su développer une grande expertise dans des créneaux comme l'optique et de la photonique. Et dans certains secteurs comme les jeux vidéos, la ville est même en train de rattraper son retard.

Montréal, qui misait beaucoup sur les télécoms, s'est beaucoup diversifiée depuis la chute de ce secteur du début des années 2000. Elle a réussi en bâtissant notamment des expertise dans les domaine du jeu électronique et des arts numériques.

Cette diversification a aussi eu lieu à Québec.

Les deux villes ont connu la même transformation au cours des dernières années. «Il y a eu une diminution des emplois manufacturiers ou dans les télécoms, et une hausse dans les services conseil et logiciel», note Jean-François Dumais, directeur de projet chez TECHNOcompétences, un organisme de soutien au développement de la main-d'oeuvre.

Mais les deux villes n'offrent pas les mêmes atouts aux entreprises technologiques, particulièrement en ce qui concerne le recrutement, enjeu critique s'il en est un.

L'attraction montréalaise

Le président d'A2M, Rémi Racine, a déménagé son entreprise de conception de jeux vidéo de la Capitale nationale vers la métropole en 2000. «La raison principale, c'était le recrutement», dit-il aujourd'hui.

Depuis, son entreprise est passée de 40 à 450 employés en huit ans. «On n'aurait jamais pu faire ça à Québec», affirme M. Racine, en précisant que 25% de sa main-doeuvre vient de l'extérieur du Québec.

Dans un secteur où on s'arrache les travailleurs, l'atout de Montréal est justement sa capacité d'attraction sur cette main-doeuvre hors Québec. Montréal est bilingue, multiculturelle et offre un style de vie que les entreprises n'hésitent pas à vanter dans leurs campagnes de recrutement.

Québec n'a pas une capacité d'attraction aussi importante. «Le gros problème qu'on a, c'est de convaincre des talents internationaux de déménager à Québec, constate le président et directeur artistique de Volta Création, Claude Bordeleau. C'est d'ailleurs pour ça qu'on planifie ouvrir d'autres bureaux ailleurs, dont un à Montréal.»

Les écoles sont aussi un atout de taille pour la métropole. «Montréal a une masse critique plus importante en matière de centres de formation, remarque le directeur général de l'Alliance numérique, Pierre Proulx. L'offre est plus grande à Montréal pour supporter les entreprises.»

Québec: fidélité et synergie

Il est néanmoins possible de soutenir sa croissance à Québec. L'entreprise de jeux vidéo Beenox, fondée en 2000 par Dominique Brown, a réussi le coup.

«Je me disais que dans le secteur du jeu vidéo et des affaires électroniques en général, l'endroit où tu te trouvais n'avait pas un gros impact sur ta clientèle, en autant que tu puisses trouver les ressources nécessaires», dit M. Brown.

Et les ressources sont là. Quand Unisoft s'est installé à Québec en 2005, l'entreprise a reçu 1000 c.v. la première journée, rappelle le vice-président et directeur général d'Ubisoft Québec, Nicolas Rioux.

Une fois les employés dénichés, encore faut-il les garder.

Yves Pelletier, premier vice-président au développement des affaires du groupe DMR Conseil, travaille à Montréal mais oeuvré plusieurs années au bureau québécois de l'entreprise. Il a remarqué une rétention d'employés plus faible dans la métropole.

«À Montréal, les employés ont accès à la planète et se promènent davantage, explique-t-il. Tandis qu'un expert à Québec, c'est celui qui a fait le choix de rester à Québec. Il y en a moins, mais ils restent.»

Il faut dire que la compétition entre les entreprises, beaucoup moins nombreuses, est moins grande. Cela diminue le mouvement d'employés, mais diminue aussi le salaire de certaines classes d'emplois (la disparité peut atteindre 10 à 15%).

Selon Dominique Brown, Québec offre aussi un meilleur potentiel de synergie. «Le milieu est plus petit, il y a moins de partenaires. C'est plus facile de s'entendre autour d'une cause commune.»

- Avec la collaboration de Marc Allard (Le Soleil)

EN CHIFFRES

Salaire moyen d'un analyste-programmeur intermédiaire (2006)

Montréal: 52 900$

Québec: 44 700$

Source: TECHNOCompétences

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Interventions financières d'Investissement Québec

(Secteur Logiciel et conceptions de systèmes informatiques du 1er avril 2007 au 31 mars 2008.)

Interventions financières

Montréal: 87

Québec: 26

Montants autorisés

Montréal: 122,4 millions

Québec: 5,6 millions

Emplois créés

Montréal: 498

Québec: 211

Emplois sauvegardés

Montréal: 0

Québec: 14

Source: Investissement Québec

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Nombre d'entreprises dans les TIC

Montréal: 2500 entreprises

Québec: 400 entreprises

Sources: Réseau inter logiQ et Pôle Québec Chaudière-Appalaches

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Emplois dans le secteur des technos et proportion du nombre d'emplois totaux

Montréal - Laval - Montérégie 108 000 5,8%

Québec - Chaudière-Appalaches 14 000 2,5%

Sources: Calculs de La Presse Affaires, d'après des statistiques de Réseau inter logiQ, Pôle Québec Chaudière-Appalaches, Emploi Québec