Ils sont noirs, portent un manteau jaune aux couleurs de l'Association du cinéma américain et fondent en un instant sur la boîte contenant DVD et CD piratés, cachée au milieu de dizaines d'autres: Lucky et Flo sont deux extraordinaires labradors «renifleurs» de contrefaçons.

Présentés mardi à Washington par l'association du cinéma américain (Motion Picture Association of America, MPAA), instance de défense des intérêts des grands studios de Hollywood, les deux labradors femelles de 4 ans et demi ont été entraînés à détecter le polycarbonate contenu dans tous les disques optiques.

Lucky, l'un des labradors utilisés pour détecter le polycarbonate, matière contenue dans les DVD et CD, le 29 avril 2008 à Washington lors d'une démonstration.

En dépit de leur intelligence et de leur odorat 40 fois plus performant que celui d'un humain, Lucky et Flo ne peuvent en réalité distinguer un DVD, un CD ou un jeu vidéo légal d'une contrefaçon.

Mais ils savent renifler le polycarbonate où qu'il soit, dissimulé dans un conteneur estampillé «crabe en boîte» ou «pièces détachées» et dénicher dans un entrepôt les caisses pirates cachées derrière un mur.

«Il a fallu 8 mois pour les entraîner, ce qui est assez long mais, maintenant que nous savons comment procéder, l'entraînement pourrait ne prendre que 3 mois», explique Michael Buchan, de l'antenne britannique de la MPA, chargée de la liaison avec les services de douanes.

A la demande de la MPAA, «nous avons fait appel en 2004 à un dresseur de chiens, en Irlande du Nord, qui entraîne les animaux à détecter drogue ou explosifs», poursuit-il. Le défi, pour Neil Powell, était d'apprendre à ces deux labradors à dénicher des DVD, ce qui était inédit pour lui... et pour les chiens.

Pari réussi, pour un coût de quelque 17 000 dollars, et premier test à l'aéroport de Stansted au Royaume-Uni début 2005.

«Les douaniers étaient sceptiques et pensaient: "encore une autre idée farfelue des Américains", mais ils ont été ébahis quand les chiens sont parvenus à détecter de petites boîtes contenant des DVD pirates, cachées au milieu de gigantesques conteneurs», se rappelle Phil Ray, dresseur chargé par la MPAA, avec Michael Buchan, de faire connaître les deux prodiges canins aux gouvernements et douanes à travers le monde.

République tchèque, Espagne, Allemagne, Dubaï ou Mexique, parmi d'autres, ont reçu la visite de Flo et Lucky.

Ils n'ont jamais encore travaillé pour les douanes américaines.

«C'est en Malaisie et aux Philippines qu'ils ont connu leur plus grand succès et nous, notre plus grande peur», raconte Michael Buchan.

Dans ces pays, les deux labradors ont découvert quelque deux millions de disques piratés d'une valeur estimée --au prix de vente «sous le manteau»-- à 3,5 millions de dollars.

En Malaisie et aux Philippines, ils ont participé à 35 raids contre des trafiquants et permis d'arrêter 26 personnes.

Mais, revers de la médaille, leur travail était tellement remarquable, malgré la chaleur épuisante pour ces chiens habitués aux frimas irlandais, qu'un syndicat mafieux a mis leurs têtes à prix pour 30.000 dollars, somme bien supérieure au revenu moyen annuel en Malaisie, se remémore Michael Buchan avec émotion. «Ce n'était jamais arrivé à aucun autre de nos employés !», relève-t-il en souriant et «Lucky et Flo ont été placés sous la protection de la police...»

Devant ce succès, le gouvernement malaisien a fondé en mars 2008 la première unité canine au monde chargée de détecter les contrefaçons de disques optiques, avec l'aide de la MPAA. Deux successeurs de Flo et Lucky ont été dressés à cette chasse aux pirates, Paddy et Manny, valeureux irlandais eux aussi.

Le piratage de films fait perdre chaque année plus de 18 milliards de dollars à l'industrie, rappelle la MPAA.