C'est connu, le Québec a su tirer profit de sa grande capacité à produire de l'électricité à bas prix pour attirer sur son territoire des alumineries, des usines pour le moins énergivores.

C'est connu, le Québec a su tirer profit de sa grande capacité à produire de l'électricité à bas prix pour attirer sur son territoire des alumineries, des usines pour le moins énergivores.

Il est un autre secteur dans lequel le prix de l'énergie commence à jouer un rôle prépondérant: celui des centres de données informatiques. Or, les entreprises qui les exploitent sont prêtes à se déplacer pour trouver de l'électricité à rabais.

On réalise davantage à l'extérieur de la belle province à quel point le coût de l'énergie a grimpé, depuis le début du nouveau millénaire. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), au cours des sept dernières années, la hausse a été en moyenne de 14% par an, en Amérique du Nord. Pour une industrie qui consomme, au total, 100 milliards de kilowattheures, c'est énorme.

«Ça signifie qu'au lieu de payer entre deux et trois cents par kilowattheure, il y a sept ans, ces entreprises paient aujourd'hui seize ou dix-sept cents», estime Subodh Bapat, vice-président de Sun Microsystems.

«Dans le meilleur des cas, une centrale informatique qui a une entente à très long terme paiera onze cents par kilowattheure.»

À ce rythme, l'alimentation en courant électrique est devenue plus coûteuse que le matériel informatique, même s'il s'agit d'immenses grappes de serveurs et d'unités de stockage, du genre à donner vie aux plus gros sites internet, aux supercalculateurs les plus performants et à toute sorte d'applications informatiques de pointe.

Ce n'est pas tout. Ces centrales doivent aussi compter sur la rareté de l'énergie. Selon les plus récentes statistiques, 60% subissent périodiquement des pannes de courant.

«Au début, les sociétés s'installaient là où la technologie était disponible, relate M. Bapat. Ce n'est plus le cas. On voit un changement dans la façon dont les entreprises considèrent leurs centres de données, à mesure qu'ils voient les coûts énergétiques grimper.»

«Des sociétés comme Google ou Microsoft songent à déménager leurs centrales là où l'énergie est plus abordable et plus abondante.»

Délocalisation

Le collègue de Subodh Bapat responsable des ventes de Sun dans les Amériques, Peter Ryan, admet qu'on est peut-être au tout début d'une nouvelle tendance. Celle de la délocalisation énergétique.

«Au Canada comme ailleurs, de plus en plus d'entreprises de toute taille mondialisent leurs opérations, dit-il. Elles doivent alors se conformer aux politiques environnementales les plus sévères en vigueur. Ça va certainement signaler un passage vers des technologies plus "vertes».

Sun Microsystems mise sur cette prémisse pour mousser l'intérêt envers sa nouvelle génération de serveurs. Le meilleur exemple s'appelle le Blackbox, une centrale informatique qui tient dans un conteneur industriel typique. Sun pense qu'une entreprise soucieuse de réduire ses coûts d'opération pourrait s'équiper d'un Blackbox, et le déplacer d'un endroit à l'autre, au gré des fluctuations du prix de l'énergie.

L'autre option est évidemment de trouver un endroit sur le continent où l'électricité est plus propre, et d'y empiler quelques-uns de ces conteneurs.

«Les coûts énergétiques et le manque d'espace sont un défi pour les entreprises partout dans le monde, continue M. Ryan. Il ne manque plus que les gouvernements votent une loi qui placerait les responsabilités environnementales au premier plan pour accélérer cette tendance.»

Peter Ryan fait référence à l'éventualité d'un marché mondial du carbone, où les entreprises doivent respecter des quotas d'émissions polluantes, sous peine de pénalités plus ou moins sévères.

Dans ce contexte, les sources énergétiques propres et abordables susciteront beaucoup d'intérêt. Il ne serait pas surprenant si les entreprises ayant recours à d'immenses centres de données informatiques se découvraient un intérêt soudain envers l'hydroélectricité. Un peu comme les alumineries d'une autre époque.