En ajoutant récemment à sa plateforme publicitaire un mouchard virtuel suivant à la trace les activités de ses membres sur une trentaine de sites affiliés, Facebook a déclenché une levée de boucliers sans précédent aux États-Unis. Rien d'étonnant, disent les experts du droit à la vie privée : le site de réseautage est particulièrement gourmand en renseignements personnels. Il suffit de lire le formulaire de consentement pour le constater.

En ajoutant récemment à sa plateforme publicitaire un mouchard virtuel suivant à la trace les activités de ses membres sur une trentaine de sites affiliés, Facebook a déclenché une levée de boucliers sans précédent aux États-Unis. Rien d'étonnant, disent les experts du droit à la vie privée : le site de réseautage est particulièrement gourmand en renseignements personnels. Il suffit de lire le formulaire de consentement pour le constater.

Annoncée le 6 novembre dernier comme une grande nouveauté permettant aux utilisateurs de «se brancher sur les choses qui les passionnent vraiment», la nouvelle plateforme publicitaire de Facebook est d'abord passée presque inaperçue.

Puis les premières vagues ont déferlé deux semaines plus tard, lorsque le groupe de pression américain MoveOn.org a dénoncé l'existence de «Beacon», nouvelle fonction de la plateforme permettant aux utilisateurs d'afficher sur leur profil tous leurs achats effectués en ligne sur 35 sites affiliés. En louant par exemple un film sur le site de Blockbuster, les membres se faisaient proposer par Beacon d'afficher le titre et une photo du boîtier sur leur profil, et d'en aviser tous leurs amis sur le «news feed».

A priori, rien de trop inquiétant jusque-là, puisqu'une option permettait facilement de décliner les demandes de participation ponctuelles de Beacon. Mais une enquête approfondie de la firme Computer Associates a révélé que Beacon, loin d'être aussi anodin qu'il n'y paraît, rapporte secrètement à Facebook non seulement toutes les activités de ses membres sur ses 35 sites affiliés, mais il le fait même si les utilisateurs ont fermé leur page Facebook et, pire, même s'ils ont formellement décliné l'invitation de participer au programme.

Mitraillé de reproches à cause de cette controverse, Facebook a annoncé la semaine dernière des modifications majeures à Beacon.

«Nous avons mal fait notre boulot en lançant cette option, et je m'en excuse», a dit Mark Zuckerberg, le jeune fondateur de Facebook, sur son blogue.

L'entrepreneur de 23 ans ne fait aucune mention dans son mea-culpa des informations recueillies en secret par Facebook, se contentant de dire que le mécanisme aurait dû permettre une inclusion volontaire des membres plutôt qu'une inclusion automatique avec possibilité de retrait (opta in plutôt qu'opta out).

Tsunami virtuel : internautes insatisfaits

Partout sur la Toile, l'affaire Beacon s'est peu à peu transformée en tsunami virtuel. Des milliers d'internautes stupéfaits des façons de faire de Facebook ont exprimé leur frustration.

Et, pourtant, le formulaire de consentement de cinq pages que tous les utilisateurs de Facebook doivent obligatoirement signer avant de créer leur profil (formulaire auquel s'ajoutent d'ailleurs une cinquantaine d'autres pages pour le Code de conduite, la Politique de droits d'auteur, les Conditions d'utilisation et les autres règlements internes du site) est on ne peut plus clair.

«Facebook peut recueillir de l'information à votre sujet auprès de différentes sources, comme les journaux, les blogues, les services de messagerie instantanée ainsi qu'auprès de tous les autres utilisateurs de Facebook (notamment dans les légendes photos) et ce, de façon à vous offrir une expérience plus utile et plus personnalisée», peut-on lire dans le document disponible uniquement en anglais.

«Par exemple, si vous indiquez quel est votre film favori dans votre profil, nous pouvons nous en servir pour vous livrer une publicité soulignant la sortie d'un film similaire dans votre ville. Mais nous ne disons pas à la compagnie de film qui vous êtes», précise Facebook un peu plus loin.

Une «liberté d'action gigantesque»

«Le contrat de Facebook est un des plus nuls qu'il m'ait été donné de voir», affirme sans détour Vincent Gautrais, titulaire de la chaire de l'Université de Montréal en droit de la sécurité et des affaires électroniques.

« Non seulement donne-t-il une liberté d'action gigantesque à Facebook, mais il compte un nombre démesuré de pages - j'en ai compté en tout et pour tout plus de 60 - écrites en petits caractères. Et il suffit d'un clic pour le signer. Je trouve que c'est une pratique très adolescente», ajoute-t-il.

Trop de risques

Benoit Gagnon, spécialiste de la sécurité cybernétique à la chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM, déplore pour sa part que rien dans le contrat de Facebook n'indique précisément ce qui est fait pour protéger les teraoctets de données personnelles recueillies par le site.

«D'une part, aucun système de sécurité informatique n'est à l'abri des hackers. Mais on peut aussi se demander ce qui se passe si les données sont perdues, si un employé malhonnête s'en empare, ou encore si Facebook est vendu à une autre entreprise», lance-t-il. Quiconque tomberait sur la banque de données personnelle d'un utilisateur pourrait facilement usurper son identité en imitant presque à la perfection son comportement, craint le spécialiste.

«Malheureusement, les façons de faire comme celle de Facebook ont été reconnues récemment par la Cour suprême dans un litige concernant Dell, déplore Vincent Gautrais. L'attitude des tribunaux est de dire: «On ne nous a pas fait la preuve que c'est difficile de lire un contrat semblable. Alors c'est correct de les imposer en exigeant un simple clic de souris.»

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