À la pointe de la technologie depuis quatre décennies, Merce Cunningham, 88 ans, est toujours au goût du jour: avec «eyeSpace», le chorégraphe américain invite le spectateur à écouter de la musique sur un baladeur numérique tandis que ses danseurs s'activent sur scène.

À la pointe de la technologie depuis quatre décennies, Merce Cunningham, 88 ans, est toujours au goût du jour: avec «eyeSpace», le chorégraphe américain invite le spectateur à écouter de la musique sur un baladeur numérique tandis que ses danseurs s'activent sur scène.

La pièce est donnée en première française jusqu'à dimanche au Théâtre de la Ville et dans le cadre du 36e Festival d'automne à Paris, deux institutions qui soutiennent depuis 35 ans les expérimentations de cette figure majeure et indépendante de la danse contemporaine.

Le programme parisien de la Merce Cunningham Dance Company (MCDC) couvre plus de 45 ans de création à travers trois pièces liées par la dissociation entre le son et le mouvement, dont le chorégraphe américain fut le grand théoricien afin que la danse ne soit plus asservie à la musique.

Dans «Crises» (1960), cinq danseurs vêtus -- ici en jaune, orange et rouge -- des maillots intégraux et très près du corps indissociables de la «griffe Cunningham» répondent aux sonorités pianistiques jazzy de Conlon Nancarrow, mais sans caler leurs pas sur celles-ci.

Avec «CRWDSPCR» (lire «Crowd Spacer», 1993), la MCDC au complet (14 danseurs) s'adonne à des mouvements de groupes marqués par des jeux de jambes et de bras athlétiques, en toute indépendance par rapport aux bruits électroniques produits par un logiciel informatique.

Merce Cunningham a été l'un des premiers chorégraphes à avoir, dès les années 1960, mené des expériences d'interactivité, en compagnie du compositeur américain d'avant-garde John Cage, qui fut directeur musical de la MCDC à partir de 1953.

«eyeSpace» est un nouveau témoignage de sa curiosité. Casque sur les oreilles, le spectateur est invité à écouter, sur un mode aléatoire, la musique éclectique spécialement composée par l'Américain Mikel Rouse, sur son propre lecteur MP3 ou sur celui prêté par la compagnie.

Simultanément, attablés devant leur console, Mikel Rouse et Stephan Moore font sortir en direct de la fosse du théâtre une musique additionnelle aux échos naturalistes ou urbains, tandis que les danseurs interprètent une partition chorégraphique dans laquelle abondent pas de deux, trios et quatuors.

Un peu isolé dans sa perception du spectacle par un usage individuel voire artificiel de la musique, le public cependant ne ménage pas son enthousiasme face à la prestation virtuose de la MCDC.

Et il fait un triomphe à Merce Cunningham, ce grand maître de la danse qui vient désormais saluer en fauteuil roulant mais remercie toujours son public d'un sourire ravi.