«Ma peine est terminée», dit-il avec humour. Vinton Cerf quitte vendredi la présidence de l'ICANN, l'organisme en charge des noms de domaine sur Internet, un poste qu'il occupait depuis 2000 et où il a dû affronter des crises, notamment une rébellion internationale. Une nouvelle ère s'ouvre pour l'agence.

«Ma peine est terminée», dit-il avec humour. Vinton Cerf quitte vendredi la présidence de l'ICANN, l'organisme en charge des noms de domaine sur Internet, un poste qu'il occupait depuis 2000 et où il a dû affronter des crises, notamment une rébellion internationale. Une nouvelle ère s'ouvre pour l'agence.

Pionnier de l'Internet, Cerf est crédité par certains d'avoir aidé l'Internet Corporation of Assigned Names and Numbers (ICANN), souvent critiquée pour sa proximité avec l'Etat américain, à sortir plus stable et plus forte de conflits très médiatisés.

Vint Cerf, 64 ans, qui occupe également de hautes fonctions au sein de Google, a rejoint l'ICANN en 1999, un an après la création de cette autorité de régulation chargée de gérer le système des noms de domaine sur Internet.

Elu en 2000 président de l'ICANN, un poste non rémunéré, il quittera ses fonctions après le conseil d'administration prévu pour vendredi à Los Angeles, pour cause de limite de mandat.

Lorsqu'il est entré au conseil d'administration, beaucoup d'observateurs se demandaient si l'organisation y survivrait.

Aujourd'hui, même si certains reprochent toujours à l'ICANN d'être arbitraire, lente et d'avoir le goût du secret, le débat porte davantage l'amélioration de son fonctionnement que sur son remplacement.

Sous l'ère Cerf, l'ICANN a résisté à des luttes de pouvoir et s'est développée. Des signes montrent également qu'elle semble prête à évoluer sur des questions clés: après des années de débat, elle a par exemple commencé à créer des mécanismes permettant d'ajouter plus facilement des adresses Internet, y compris des noms de domaine, dans des langues autres que l'anglais.

«À certains égards, l'ICANN a gagné en crédibilité», affirme Cerf.

«Elle fait maintenant partie de l'univers Internet», après avoir été sérieusement contestée. Avec l'aide de la diplomatie américaine, l'ICANN a résisté aux efforts de la Chine, du Brésil et d'autres pays en développement visant à la remplacer par une organisation de type onusienne sur lesquels les gouvernements auraient davantage de contrôle.

Ses détracteurs voulaient notamment des mesures plus rapides sur les adresses dans d'autres langues, et de nombreux Etats se sont également irrités du droit de veto dont dispose le gouvernement américain sur l'organisation à but non lucratif, basée à Marina del Rey, en Californie.

Les appels à priver l'ICANN de la supervision des noms de domaine, qui sont essentiels pour trouver des sites Web et envoyer du courrier électronique, se sont multipliés dans le monde mais n'ont pas abouti.

Beaucoup estiment que Cerf avait la stature pour rencontrer les chefs d'État et les ministres, et leur dire «non».

«Il peut dire: "moi et mes collègues on a en fait inventé Internet et voilà comment ça marche"», souligne Paul Twomey, directeur de l'ICANN.

Alors étudiant à l'université de Californie, Cerf a testé les premières connexions Internet en 1969. Professeur à Stanford dans les années 70, il a dirigé l'équipe qui a inventé le protocole TCP/IP, outil de communication essentiel du Web. Connu depuis comme un des pères fondateurs d'Internet, il a également mis au point MCI Mail, premier service de courrier électronique commercial de la Toile.

Cerf a guidé l'ICANN quasiment depuis sa création, lui faisant passer des caps difficiles, mais beaucoup estiment que l'organisme de régulation doit être maintenant régi par des procédures plutôt que par un homme, aussi brillant soit-il.

«Cela ne dévalue pas l'héritage important de Cerf de dire que les gens sont prêts pour un changement», déclare Milton Mueller, professeur à l'université de Syracuse et fréquent critique de l'ICANN.

Parmi la liste des successeurs potentiels, figurent l'expert italien en télécommunications Roberto Gaetano et l'avocat néo-zélandais Peter Dengate Thrush. Tous deux jouent un rôle à l'ICANN mais aucun ne possède la renommée de Cerf.

«C'est un test très important que l'ICANN doit et va réussir» en montrant qu'elle peut «résister à un changement de direction», souligne Cerf qui prévoit de se désengager totalement de l'ICANN pendant au moins un an. AP

Et avec son temps libre (il aurait consacré de 25 % à 40 % de son temps à l'ICANN), il devrait terminer cinq livres en cours de rédaction.