Au bout d'une ruelle de la cité la plus violente de Taiwan, une berline noire Mercedes-Benz bloque l'accès à une porte de verre coulissante qui ne s'ouvre que de l'intérieur.

Au bout d'une ruelle de la cité la plus violente de Taiwan, une berline noire Mercedes-Benz bloque l'accès à une porte de verre coulissante qui ne s'ouvre que de l'intérieur.

Derrière cette porte, les technophiles peuvent se procurer une imitation du iPhone pour les deux tiers du prix d'un modèle authentique.

Avec son écran tactile et le logo d'Apple à l'endos, ce «iClone» ressemble à s'y méprendre à l'original.

Ce n'est pas avant 2008 qu'Apple lancera en Asie son iPhone, cet appareil combinant téléphonie, lecture de fichiers musicaux et vidéo, internet sans fil.

Le propriétaire de la boutique de Sanchung, en banlieue de Taipei, dit avoir commencé à vendre des «aifungs» en décembre, six mois avant le lancement du iPhone aux États-Unis.

«Nous ne pouvons ignorer le iPhone parce que tout le monde en veut», dit Ben. Comme la vente de téléphones contrefaits est illégale, le commerçant a accepté de nous parler à la condition qu'on ne l'identifie que par son prénom.

Ses clones témoignent de la rapidité d'adaptation des contrefacteurs asiatiques. Ben raconte que son entreprise a conçu ses imitations à partir de photos affichées dans l'internet avant même que le président d'Apple, Steve Jobs, ne dévoile l'iPhone en janvier.

La contrefaçon prive chaque année l'économie mondiale de 650 milliardsUS, estime la Chambre de commerce des États-Unis. Apple a refusé de chiffrer les pertes attribuables au piratage.

«Plus Apple attend, plus les pirates la dépouilleront», dit Chialin Lu, analyste chez Yuanta Core Pacific Securities, à Taipei.

Steve Jobs n'a pas expliqué ce délai. Kevin Chang, analyste chez JP Morgan Chase, affirme que les entreprises de télécoms ont besoin de temps pour adapter leurs réseaux à la technologie du iPhone.

Apple, qui a annoncé lundi avoir vendu son millionième iPhone, a l'intention de contre-attaquer. «Nous entendons poursuivre les contrefacteurs et tous ceux qui nous volent et trompent nos clients», affirme Jennifer Bowcock, porte-parole d'Apple.

Les copies de iPhone sont produites en lots de 1000 unités dans une usine de Shenzhen, en Chine continentale, tout juste en face de Hong Kong, explique Ben.

Le commerçant de 26 ans annonce ses appareils sur l'internet et les vend 8900 dollars taiwanais pièce (260$US). Depuis le 5 septembre, le prix du iPhone haut de gamme est passé de 599$US à 399$US sur le marché américain.

«Les pièces, ce n'est rien, dit Ben. Le plus difficile, c'est le design et le boîtier.»

Il dit que son entreprise a vendu plus de 10 000 clones en Chine, à Hong Kong, à Singapour, en Malaisie, en Australie et aux États-Unis.

À Shanghai, les faux appareils sont conservés sous le comptoir d'un étal exigu, au sixième étage d'un édifice jonché de détritus avoisinant la gare.

Ni, qui n'a voulu révéler que son patronyme, dit avoir commencé à en vendre après avoir lu un article sur la popularité du iPhone. Ses téléphones se détaillent à 1000 yuans pièce (133$US) et ses clients font affaire principalement par l'internet.

Il refuse cependant d'identifier son fournisseur, ajoutant qu'il s'agit d'un «secret commercial».

«Moi, je vends un iPhone chinois, dit M. Ni, un commerçant de 48 ans. Ce n'est pas une copie de iPhone. Il fonctionne à merveille.»

Shenzhen et les autres villes du delta de la rivière des Perles constituent la région où l'on trouve la plus grande concentration de manufacturiers de téléphones portables en Chine.

Les pirates achètent les composantes auprès des entreprises locales, puis n'ont qu'à les assembler, dit Yang Yuxing, analyste chez BDA China, une firme d'analyse de Pékin. Jusqu'à 400 ateliers peuvent être mis à contribution pour assurer la production, dit-il.

Apple n'est pas la seule victime. On voit des copies arborant des marques comme «Nokian» (pour imiter Nokia) et «Snog Ericsson» (pour imiter Sony Ericsson), dit Neil Mawston, analyste chez Strategy Analytics, à Londres.