Outrée d'avoir été fouillée contre son gré, une Montréalaise dépose une requête de 60 000$ contre un cinéma Guzzo. Après une mise en demeure envoyée aux responsables de l'établissement, elle entend en appeler de la Charte québécoise pour faire valoir ses droits.

Outrée d'avoir été fouillée contre son gré, une Montréalaise dépose une requête de 60 000$ contre un cinéma Guzzo. Après une mise en demeure envoyée aux responsables de l'établissement, elle entend en appeler de la Charte québécoise pour faire valoir ses droits.

Le 2 juin dernier, Julie Berthiaume et deux jeunes filles se rendent au Méga-Plex du Marché Central. Juste avant d'entrer dans la salle, on leur demande d'ouvrir leur sac, ce à quoi Mme Berthiaume s'oppose. Lorsqu'elle finit par accepter, le préposé «fouille à pleines mains et de façon sauvage les sacs à main», selon Mme Berthiaume.

Elle n'avait aucune intention de pirater un film, se défend-elle, puisque son sac ne contenait pas de caméra. Elle réclame maintenant 60 000$ en indemnités et en dommages exemplaires pour elle et les fillettes. Mme Berthiaume invoque des souffrances physiques et morales, ainsi qu'une «perte de jouissance de la vie». La Cour du Québec doit décider si elle accepte d'entendre sa cause.

Contrer le piratage

Cette fouille constitue une mesure de sécurité légale pour contrer le piratage, selon Vincent Guzzo, vice-président exécutif des cinémas Guzzo.

«Nous, on a un réel problème, dit-il. À cause du piratage, la 20th Century Fox nous a retiré Fantastic Four et Die Hard 4 au cinéma Lacordaire. Deux des trois plus gros films de l'été 2007!»

Me Jean-Pierre Pilon, l'avocat de Mme Berthiaume, estime que sa cliente a subi une fouille abusive. «Il y a d'autres méthodes pour arriver à la même fin», indique-t-il, qui suggère d'utiliser plutôt les détecteurs à rayons-X.

«Vous savez combien ça coûte ces machines-là?" rétorque M. Guzzo, se référant aux appareils utilisés dans les aéroports qui valent 70 000$ chacun. De toute façon, on ne fait pas des fouilles systématiques.»

Les agents de sécurité de ses cinémas ciblent surtout les hommes de 18 à 35 ans, particulièrement ceux qui portent des sacs à dos. «On a aussi installé des affiches expliquant clairement qu'on se réservait le droit de fouiller les sacs», ajoute-t-il.

Des fouilles qui sont là pour rester

La fouille dont a fait l'objet Mme Berthiaume est une des mesures de sécurité adoptées pour contrer le piratage, un fléau qui coûte cher à l'industrie. Pour les Cinémas Guzzo, les dépenses en sécurité et les pertes de revenus causées par le piratage se chiffrent à un million de dollars par année.

En 2005, 20% des films piratés sur le marché mondial provenaient du Canada, soutient l'Association canadienne des distributeurs de films. Une proportion que le gouvernement Harper souhaite faire reculer. La loi criminalisant le piratage est en effet entrée en vigueur le 22 juin dernier.

«Cette loi nous donne des outils supplémentaires pour lutter contre le phénomène, croit Patrick Charette, porte-parole du ministère de la Justice du Canada. Mais son application dépendra des gens sur le terrain.»

Difficile, pour l'instant, de savoir si cette loi s'accompagnera d'un plus grand nombre de fouilles.

«Nous allons continuer d'être vigilants et de faire une surveillance appropriée dans nos salles, avertit Daniel Séguin, vice-président à l'exploitation chez Cineplex Divertissement, Québec et Ouest du Canada. Nous invitons par ailleurs les gens du public à aviser notre personnel s'ils sont témoins d'enregistrements illégaux dans nos salles.»