Comme des prophètes, les partisans de l'«open source» annoncent depuis 1991 le jour où le système d'exploitation Linux déclassera Windows sur le PC du commun des mortels. Mais les centaines de distributions livrées par la communauté, souvent terriblement com­plexes, n'ont jamais dépassé le stade du mouvement sectaire. C'était jusqu'à lundi, 28 mai, date à laquelle Dell a commencé à vendre des systèmes roulant sous Ubuntu.

Comme des prophètes, les partisans de l'«open source» annoncent depuis 1991 le jour où le système d'exploitation Linux déclassera Windows sur le PC du commun des mortels. Mais les centaines de distributions livrées par la communauté, souvent terriblement com­plexes, n'ont jamais dépassé le stade du mouvement sectaire. C'était jusqu'à lundi, 28 mai, date à laquelle Dell a commencé à vendre des systèmes roulant sous Ubuntu.

Téléchargeable sur l'internet, ce système d'exploitation entièrement gratuit est né en 2004, à l'initiative du milliardaire sud-africain Mark Shuttleworth, membre du club très sélect des touristes de l'espace. Après avoir fait fortune avec une entreprise de sécurité informatique, l'entrepreneur, qui participe à différents projets éducatifs en Afrique, s'est donné pour mission de propager la bonne nouvelle Linux dans le monde.

Quelques millions de dollars sortis de son portefeuille plus tard, Canonical Ltd voyait le jour, avec pour principal mandat de développer un système d'exploitation basé sur le code ouvert créé par le Finlandais Linus Torvalds, avec une philosophie-choc en prime: «Linux pour les être humains».

Le concept a fait mouche. Le système d'exploitation, considérablement plus léger que Windows malgré son interface graphique avantageusement comparable, sa suite intégrée de logiciels de bureautique (Open Office), son clone de Photoshop (The Gimp), un support linguistique couvrant 40 langues et tous les outils nécessaires (Firefox et Thunderbird) pour naviguer sur la Toile, s'est vite taillé une place dans la communauté Linux.

Quand Dell a eu l'idée de lancer le blogue Idea Storm, demandant à sa clientèle de lui fournir des suggestions pour améliorer ses produits, plus de 100 000 personnes ont écrit pour réclamer des ordinateurs avec Ubuntu pré-installé. Le 1er mai, Dell a acquiescé à leur demande, un geste célébré comme une profonde révolution sur les forums de discussion consacrés à Linux. Les systèmes sont finalement apparus lundi sur Dell.com, et s'envolent pour 100$ de moins que les machines identiques roulant sous Windows.

Pour Chris Kenyon, directeur du développement des marchés chez Canonical Ltd., ce n'est cependant qu'un «premier pas». «L'entente avec Dell nous permet de faire connaître un peu plus Ubuntu, explique-t-il. Notre défi est de faire comprendre aux gens qu'ils ont maintenant un véritable choix lorsqu'ils achètent un PC.»

«Et nous voulons être clairs: choisir Ubuntu, ce n'est pas choisir une version bas de gamme de Windows, même si notre système sera toujours entièrement gratuit», poursuit M. Kenyon.

Bureaux (secrets) à Montréal

Cette gratuité, principe fondamental dans la philosophie d'Ubuntu, est assurée par des contrats de service à la clientèle que signe Canonical Ltd. avec ses entreprises clientes. Des contrats suffisamment nombreux pour rémunérer les 80 quelque développeurs qui livrent toutes les mises à jour du système de Londres, et justifier l'ouverture d'un bureau comptant une quinzaine d'employés à Montréal, dans une tour située près de l'angle Bishop et René-Lévesque.

C'est dans ces bureaux qu'on eu lieu toutes les plus récentes embauches chez Canonical, mais n'allez pas demander aux responsables de l'entreprise d'y faire une visite; l'endroit est tenu secret.

«C'est un tout petit bureau où nous testons entre autres du matériel informatique appartenant à d'importants fournisseurs. Il y a des boîtiers ouverts avec les ventilateurs exposés, explique Jeff Bailey, de Canonical Montréal. On y entre par la cuisine et il n'y a même pas de réceptionniste. Nos obligations de confidentialité envers nos clients nous empêchent de laisser visiter le bureaux, mais je vous assure qu'à toute heure du jour, sept jours sur sept, des employés du service à la clientèle répondent à des appels qui viennent des quatre coins de la planète.»

Malgré tout le secret qui entoure ces bureaux montréalais, des aficionados de l'«open source» arrivent néanmoins à trouver l'endroit. «Une personne est déjà venue cogner à la porte pour demander de l'aide technique. Elle a réussi à nous retracer en nous suivant alors que nous allions acheter un café au lait», explique en riant M. Baileys.

Sur le blogue de Fabian Rodriguez, employé montréalais de Canonical, ont peut aussi lire une demi-douzaine de commentaires d'utilisateurs d'Ubuntu offrant d'aller servir gratuitement les croissants le matin ou passer le balai, pour le simple plaisir de participer au développement du système d'exploitation. Une anecdote qui illustre assez bien à quel point les utilisateurs d'Ubuntu sont dévoués à la cause, presque de façon religieuse.

Cette même communauté tente de convertir sur les blogues, sites web et autres forums des milliers d'utilisateurs de Windows à faire le grand saut vers Linux. Mais les dirigeants de Canonical, eux, voient déjà beaucoup plus loin. «Nous travaillons à développer une version ultraportable du système d'exploitation destinée aux prochaines générations de téléphones cellulaires», explique M. Kenyon.

Pour voir Ubuntu à l'œuvre, consultez le blogue de notre journaliste:

https://blogues.technaute.com/peloquin

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