Un jeune luthier canadien redonne vie au son originel du blues en confectionnant des guitares à partir de boîtes de cigares, des créations artisanales inusitées qui se vendent comme des petits pains sur l'Internet.

Un jeune luthier canadien redonne vie au son originel du blues en confectionnant des guitares à partir de boîtes de cigares, des créations artisanales inusitées qui se vendent comme des petits pains sur l'Internet.

«Il faut entre six et huit semaines pour obtenir une de mes guitares», explique Lenny Piroth-Robert, lunettes noires en plastique, cheveux en bataille, et un t-shirt du groupe punk The Ramones.

Sur le mur de son atelier, dans une zone industrielle du nord de Montréal, trônent des vieilles guitares dobro et des célèbres Gibson. Sur le sol, des boîtes de cigares s'empilent.

Plutôt que de sculpter le bois, il utilise ces boîtes, y greffe un manche et des cordes. Après tout, Jimi Hendrix a fait ses début à cinq ans sur une «cigar box guitar» qu'il s'était fabriquée.

À ses débuts, Lenny Piroth-Robert, artiste peintre le jour, se transformait le soir en luthier «pour se détendre».

«Quand j'ai commencé, je faisais cinq, six guitares par mois que je vendais sur le site eBay. Puis, le magazine Playboy a écrit un article sur mes créations. Quand le papier a été publié, j'ai été obligé de faire mon propre site Web», dit-il en jouant de son instrument au son chaud, ample, comme sorti d'un vieux 78 tours.

L'article du célèbre magazine de charme, écrit l'été dernier, a propulsé les ventes de ses fameuses «Daddy Mojo».

«Après la publication dans Playboy, j'ai fait 150 guitares tout seul. Je travaillais sept jours par semaine», explique Lenny Piroth-Robert, âgé d'une trentaine d'années. Il a demandé l'aide d'un ami pour répondre à la demande, qui vient «à 95% des Etats-Unis».

Et les marchands de cigares de Montréal ne parvenaient pas à écouler leur marchandise assez rapidement pour lui permettre de recycler en guitares ces boîtes aux mille couleurs du sud.

«Le propriétaire d'un grand magasin de cigares aux États-Unis se faisait couper les cheveux chez le barbier, il feuilletait Playboy et m'a appelé de son téléphone portable pour me dire qu'il avait 300 boîtes de cigares dans son entrepôt dont il ne savait quoi faire», dit-il, amusé.

Aujourd'hui, des marchands américains et une manufacture de la République dominicaine lui expédient les boîtes de cèdre et d'acajou.

D'objets inusités, d'ovnis musicaux, ses guitares ont reçu le sceau de la presse spécialisée, le magazine américain Guitar One l'a décoré d'un prix pour sa sonorité «renversante», et de grands bluesmen ont aujourd'hui leur «Daddy Mojo».

«Ce gars fait des guitares extraordinaires», estime Shane Speal, directeur du musée ambulant de la «Cigar box guitar» aux États-Unis, à l'origine de la renaissance de ces guitares de «pauvres».

«Ces instruments datent de 1840, à l'époque où les manufacturiers de cigares ont commencé à utiliser des boîtes plus petites. Lorsque les gens n'avaient pas d'argent pour s'acheter une guitare, ils la fabriquaient eux-mêmes en utilisant ces boîtes. Il y a donc eu des guitares, des violons et des banjos faits à partir des boîtes de cigares», dit-il.

Depuis l'apparition de ces instruments à une corde bricolés avec du fil de pêche, un manche à balai et une boîte de cigares recyclée, la «Cigar box guitar» a bien changé.

«J'ai poussé l'idée plus loin en incorporant un résonateur - pièce de métal circulaire incrustée dans la guitare - et un micro», ce qui permet l'amplification électrique, précise Lenny Piroth-Robert, dont les modèles varient de trois à six cordes, selon les souhaits de ses clients.

«J'ai fait beaucoup d'instruments pour des bluesmen, amateurs ou professionnels. Ils me disent: j'avais entendu parler de ces guitares, mais je ne savais pas qu'on pouvait encore en trouver. Là, ils redécouvrent le passé à travers mon instrument».

Aussi:

Le site Web daddy-mojo.com