Selon les statistiques rendues publiques mercredi dernier par l'International Federation of the Phonographic Industry (IFPI), soit le puissant lobby des multinationales de la musique, les titres et albums téléchargés sur ordinateur ou sur téléphone portable ont généré en 2006 des revenus de 2 milliards $ US. En 2005, les bénéfices totalisaient 1,1 milliard, c'est-à-dire la moitié. Spectaculaire, la croissance?

Selon les statistiques rendues publiques mercredi dernier par l'International Federation of the Phonographic Industry (IFPI), soit le puissant lobby des multinationales de la musique, les titres et albums téléchargés sur ordinateur ou sur téléphone portable ont généré en 2006 des revenus de 2 milliards $ US. En 2005, les bénéfices totalisaient 1,1 milliard, c'est-à-dire la moitié. Spectaculaire, la croissance?

Pas tout à fait, si on gratte un peu derrière cette annonce triomphaliste, béatement médiatisée ces derniers jours. Voyons voir.

Ainsi, la musique en ligne représenterait désormais 10% du chiffre d'affaires de cette industrie malmenée par la révolution numérique, contre 6% en 2005. Selon les pronostics de l'IFPI, cette proportion devrait grimper à 25% d'ici 2010.

Ainsi, cette croissance de la vente légale en ligne a été soutenue par une offre plus considérable: le nombre de titres a franchi le cap des quatre millions en 2006, c'est-à-dire deux fois plus qu'en 2005. Au premier semestre de 2006, 36% des nouveaux albums américains ne sont sortis qu'en version dématérialisée. En Grande-Bretagne, une chanson exclusivement distribuée en ligne (Crazy) a atteint le sommet du palmarès national.

Ainsi, il existe désormais 498 plateformes de téléchargement légal réparties dans 40 pays à travers le monde, contre 335 en 2005.

Cela étant, l'industrie (multinationale) de la musique n'a cessé de pourchasser les internautes déviants en 2006 - plus de 10 000 poursuites judiciaires menées dans 18 pays. Et ce, sans inverser la tendance: l'an dernier, on a téléchargé illégalement 795 millions de morceaux, soit une augmentation de 89 % par rapport à 2005. Cette statistique (conservatrice) fournie par l'IFPI mène à conclure que la croissance du téléchargement illégal est aussi forte que la vente légale en ligne, même dans un cadre juridique extrêmement contraignant pour les consommateurs.

Ce que l'IFPI ne crie pas trop fort, par ailleurs, c'est que les ventes de musique en ligne sont gonflées par les bénéfices de la téléphonie mobile; en 2005, les pièces de musique et sonneries personnalisées représentaient plus des deux tiers de la musique légale vendue en ligne, tant et si bien que les majors (Universal, Warner, Sony-BMG, EMI) ont rajusté leur tir.

Warner Music Group et Motorola, deuxième fabricant de cellulaires au monde, viennent de conclure une entente de partenariat en ce sens. Formée par la major japonaise Sony et le fabricant suédois de téléphones Ericsson, Sony-Ericsson a vendu 26 millions de téléphones portables en 2006, une croissance de 61 % attribuée aux appareils pourvus de fonctionnalités audiovisuelles.

Mais voilà, ces efforts ne suffisent pas à endiguer le déclin des ventes «physiques».

Au Midem, qui se tient actuellement à Cannes, l'IFPI lèvera le voile sur le déclin du chiffre d'affaires de la musique en 2006, qui a reculé mondialement de 23 % entre 2000 et 2005. Avec une chute de 14 %, le marché français du disque (le quatrième au monde après ceux des États-Unis, du Royaume-Uni et du Japon) a connu une année 2006 difficile, portant son recul à 40 % en cinq ans, affirme-t-on au Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP). Les ventes de musique en ligne, en fait, n'ont atteint que 40 millions d'euros en 2006 alors que le marché physique en a perdu près de 130 millions.

À court terme, en tout cas, l'industrie doit compter essentiellement sur le marché de la téléphonie mobile pour combler le déficit des ventes physiques. Jusqu'à quand ? Chose certaine, les utilisateurs de cellulaires finiront par remplir leurs appareils de pièces téléchargées gratuitement. Alors ? D'autres solutions devront être trouvées.

Les sites collaboratifs (MySpace, YouTube, etc.) représentent certes une occasion d'affaires pour l'industrie musicale, encore faut-il trouver le moyen d'en rentabiliser la circulation des contenus en en partageant équitablement les revenus publicitaires.

Et que dire des sites gratuits et légaux ! À l'instar du service Spiral Frog, qui a l'aval de la major Universal Music Group et qui compte rentabiliser la musique en ligne avec les revenus de la publicité, d'autres projets de même type sont mis en oeuvre. Aux États-Unis, EMI échafaude avec Rhythm New Media une plateforme qui fournit aux cellulaires des clips assortis de pub. En Chine, EMI vient de s'associer au moteur de recherche Baidu pour lancer un site légal et gratuit de musique en ligne financé par la publicité.

Et la paranoïa de la copie ? Moins aiguë.

En Europe, certains détaillants français misent désormais sur le déverrouillage des contenus audio pour les vendre en ligne: VirginMega et FNACmusic, branches virtuelles des deux plus importantes chaînes de magasins de disques en France, ont supprimé les mesures techniques de protection d'une part importante de leurs répertoires - plus 200 000 références chez VirginMega, plus de 150 000 chez FNACmusic.

Déverrouillage des contenus, gratuité L'industrie a-t-elle vraiment le choix ?