Apple n'a pas réinventé le téléphone comme son fondateur et grand timonier Steve Jobs le prétendait mardi dernier, lors de son fameux événement Macworld. Encore une fois, Apple innove plutôt au plan du design et de certaines fonctionnalités d'un joujou déjà existant. Et, surtout, au plan de sa mise en marché.

Apple n'a pas réinventé le téléphone comme son fondateur et grand timonier Steve Jobs le prétendait mardi dernier, lors de son fameux événement Macworld. Encore une fois, Apple innove plutôt au plan du design et de certaines fonctionnalités d'un joujou déjà existant. Et, surtout, au plan de sa mise en marché.

En créant cet objet assorti d'un écran tactile qui élimine les touches d'un cellulaire comme on le connaît, en mettant au point cet outil d'une simplicité désarmante, Apple pourrait réussir une percée importante sur un territoire qui est loin d'être son apanage.

Rappelons que le baladeur numérique existait depuis quelques années quand est arrivé celui d'Apple. Idem pour les services de téléchargement de musique numérisée : ils étaient nés bien avant l'arrivée de iTunes Music Store.

Opportunisme bien placé? Voilà un juste retour du balancier pour Steve Jobs. Après avoir lancé l'ordinateur personnel dans les années 70, le visionnaire californien s'était fait bouffer la majorité absolue des parts de marché par ses concurrents jusqu'à 97 %. Au cours des années 80, Jobs avait même perdu son «job» de grand patron à cause de cette débandade.

Depuis l'an 2000, la tendance est inversée. Steve Jobs triomphe désormais sur les marchés en améliorant avec succès des outils déjà mis au point : lecteurs MP3, services de téléchargement, téléphonie mobile. Apple propose à la planète des services plus conviviaux et des outils numériques plus faciles d'usage. Voilà donc le petit dernier : le plus élégant des téléphones portables, chouchou des médias ces derniers jours. Ainsi, Jobs administre à ses concurrents la médecine qu'il a subie au cours des années 80.

Et que dire de son marketing! Pendant que le tout-puissant Bill Gates, le grand vizir de Microsoft, se retrouvait mercredi dernier à la page 10 du cahier économique de La Presse, Steve Jobs faisait ce jour-làla une de notre quotidien et celle de La Presse Affaires! Et ce, pour un outil, le téléphone mobile de deuxième génération, dont Apple est loin d'être un spécialiste.

Les Samsung, Nokia et autres Motorola, qui ont mis au point le téléphone mobile de deuxième génération, n'ont jamais joui d'une couverture de presse aussi considérable pour le lancement de leurs smartphones. Ajoutons que les grands fabricants de cellulaires ont déjà lancé (en Asie et en Europe) le portable de troisième génération, qui permet un transport plus rapide de l'information. Or, le iPhone est un cellulaire de deuxième génération (pour l'instant) et Steve Jobs arrive à nous faire croire que son gadget est le plus révolutionnaire qui soit! Brillant, le monsieur.

Quoi qu'il en soit, Apple innove avec un bel objet, en phase avec son image de marque : l'écran tactile du iPhone remplace les touches traditionnelles des autres cellulaires. Le iPhone est plus mince, plus élégant, plus attrayant, plus facile à utiliser. On imagine également qu'Apple n'aura pas trop de mal à faire taire la controverse en ce qui a trait à l'exploitation légale du nom iPhone, dont Cisco détient les droits. Jolie bataille juridique à l'horizon.

Inutile d'ajouter que tous les nouveaux riches de la planète feront l'acquisition de la bébelle (499 $ US pour flasher un peu plus) et que les ados et jeunes adultes dans le vent auront tôt fait d'emboîter le pas. Cette mise en marché arrive à point pour Apple alors qu'on spécule sur le plafonnement du iTunes Music Store, qui contrôle plus ou moins 80 % des parts de marché dans ce domaine encore précaire avec deux milliards de chansons vendues, tout de même.

On sait que la vente de musique en ligne n'est véritablement rentable qu'à travers les abonnements pour téléphones cellulaires iTunes étant un prétexte pour vendre des iPod, de plus en plus concurrencés par les téléphones portables. D'où l'urgence pour Apple de mettre au point un cellulaire vraiment cool. Exit le iPod? Bonjour, le iPhone!

En 2007, le nerf de la guerre des contenus numérisés sera le cellulaire. Selon le cabinet Portio Research (cité par le quotidien en ligne Génération Nouvelles Technologies), le nombre de téléphones portables capables de lire des fichiers musicaux sera, d'ici 2012, cinq fois supérieur au nombre de baladeurs numériques. Les régions qui devraient être les mieux équipées en ce sens seront l'Europe de l'Ouest et l'Europe du Nord, avec 95 % du nombre total de cellulaires pourvus de cette fonction. Toujours selon Portio Research, plus de 500 millions de cellulaires seront vendus sur Terre cette année. La moitié d'entre eux permettront la lecture des fichiers audio.

Cela suffira-t-il à combler le fameux manque à gagner de l'industrie de la musique (et très bientôt celui des industries du cinéma, de la télé et de l'imprimé) causé par Internet? Peu probable. Si vous voulez mon avis, les beaux jours de la téléphonie mobile payante ne seront pas si longs : on aura tôt fait de transférer dans les nouveaux cellulaires les contenus téléchargés gratuitement sur Internet. Interopérabilité, quand tu nous tiens...