Les artistes vont pouvoir continuer durant un certain temps à toucher des redevances sur disques vierges et matériel électronique, grâce au report mercredi de la réforme européenne sur la rémunération de la copie privée, un «abandon» décrié par l'industrie.

Les artistes vont pouvoir continuer durant un certain temps à toucher des redevances sur disques vierges et matériel électronique, grâce au report mercredi de la réforme européenne sur la rémunération de la copie privée, un «abandon» décrié par l'industrie.

Les industriels du logiciel et de l'électronique sont en effet convaincus que ce report annoncé par la Commission est en fait «un abandon pur et simple», un avis partagé par plusieurs sources diplomatiques.

Dans l'Union européenne, 20 États sur 25 autorisent la copie à usage familial, en contrepartie d'une rémunération de l'auteur perçue sur les supports vierges d'enregistrement (CD, DVD, lecteurs MP3...) ou sur certains appareils électroniques comme les scanners ou les imprimantes. L'Allemagne notamment perçoit des redevances très élevées.

Une porte-parole de la Commission a annoncé mercredi que son président, José Manuel Durao Barroso, avait décidé de «reporter sine die» l'adoption, prévue la semaine prochaine, d'une recommandation visant à éliminer progressivement ce système.

Le commissaire Charlie McCreevy, en charge du dossier, estime en effet que ces redevances font obstacle au bon fonctionnement du marché commun. Il est soutenu dans son projet par les industriels, qui jugent la redevance aussi «injuste» qu'«obsolète».

Ils invoquent notamment l'essor des DRM, ces technologies qui vérifient si le consommateur a bien le droit d'écouter une chanson ou de regarder un film acheté sur internet, fixent le nombre de copies qu'il a le droit de faire et surveillant les transferts vers les différents appareils numériques.

Mercredi, l'Alliance pour la réforme des redevances sur la copie privée (CLRA) s'est dite «frustrée et profondément déçue».

Elle aurait certes préféré une véritable directive, juridiquement contraignante, mais depuis plusieurs mois, elle s'était fait une raison.

Non contraignante, la recommandation peut en effet être citée par les requérants devant les tribunaux nationaux. Or de nombreux procès ont cours actuellement entre des sociétés d'auteur et des entreprises, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne.

«Cette réforme est morte désormais», a déploré le porte-parole de CLRA, Mark MacGann, pour qui «même si le projet est relancé, il ne sera jamais résolu» sous cette Commission.

Selon lui, la faute revient à la France, dont le Premier ministre Dominique de Villepin a écrit la semaine dernière à M. Barroso. Dans cette lettre, il demandait de différer l'adoption du texte afin de permettre «un réel débat» avec les États membres.

Evoquant «l'émotion forte» suscitée par ce projet dans la communauté artistique, M. de Villepin rappelait également que cette rémunération «représente pour les créateurs une source de revenus non négligeable qu'il importe de préserver».

Mais la France n'est pas la seule à avoir émis des réserves. Vendredi, lors d'une réunion de travail entre les représentants permanents des États membres à Bruxelles, douze délégations lui ont ainsi emboîté le pas et demandé «une plus large consultation».

Sensible à la forte mobilisation des artistes, venus en nombre à Bruxelles défendre leur cause, ainsi qu'à la forte opposition des États membres, M. Barroso a fini par lâcher son commissaire au Marché intérieur et à arbitrer en faveur du monde de la culture.

Tout en restant «très prudents», les auteurs européens, représentés par le Gesac, ont salué «un bon signe» de la Commission. Pour eux, le système actuel est en effet indispensable pour rémunérer les artistes et assurer la diversité culturelle.

En l'absence de législation, la CLRA de son côté a averti que plusieurs grands groupes européens déposeraient «avant Noël» des plaintes formelles à la Commission contre certains États membres.